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éloge de la mollesse

À la recherche d'un grand-père inconnu.

31 Octobre 2022 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Archives

 

                                                                                                    À Sylvie

 

Il y a des grands-pères, on pourrait dire qu'il vous hante, dans la mesure où on ne les a pas connus. Est-ce qu'on ne se pose pas cette question, à des moments dans sa vie, de savoir à quoi il pouvait bien ressembler. Peut-être a-t-on récupéré quelque chose de lui, pourquoi pas ?

Ce serait le cas de mon grand-père paternel, qui mourut d'une maladie de coeur, le 1er mai 1936 au Havre, suite à la guerre, où il avait été gazé. Bien avant, donc, la naissance de ses nombreux petits-enfants.
Autant que je me souvienne, peu d'anecdotes ou même de photos circulaient dans la famille, le concernant.
Si, une, racontée à plusieurs reprises par Papa. Lorsqu'il avait 15 ans, en 1936, il se souvenait avoir entendu son propre père, à travers le mur de sa chambre, dire : "la semaine prochaine, nous irons à tel endroit, mais si Dieu me prête vie". Il se savait condamné, victime tardive d'une guerre dont il avait pourtant réchappé sans s'épargner, comme on va le voir. Il est mort à l'âge de 46 ans.
Et puis un vague souvenir d'un photo de lui, entre-aperçue, c'est à la fin de la guerre, au moment du traité de Versailles, il est officier de liaison ou quelque chose comme ça.

Alors pour partir à sa recherche, il faut (d'une part) revenir à Paul Dervieu qui en parle dans ce livret, dont il a déjà été question.
Voici ce qu'il dit de son gendre ; il avait épousé sa fille Charlotte en mars 1919.

"Maxime Eloy est né le 19 Septembre 1889 au Havre, il est le fils de Georges Eloy et d'Adrienne Thieullent, il fit de solides études au collège St-Joseph au Havre, Il était d'une famille de dix enfants (trois filles et sept garçons).
Avec ses père et mère, la famille de Maxime Eloy, était la suivante au moment de son décès :
Lionel, Robert, Marcel, Thérèse ou soeur Marie-Thérèse, Pierre, une autre soeur qui n'est connue qu'en tant qu'elle épouse un monsieur Burel, Adrien et Suzanne ou soeur St. Jacques et Maxime."
Ce qui fait neuf. Il manque un frère, décédé, je crois, pendant la guerre.

Le bisaïeul Paul poursuit, toujours à propos de son gendre : " Il fait son service militaire à Rouen du 4 Octobre 1910, fut nommé caporal le 26 Septembre 1911, et revint dans ses foyers le 25 Septembre 1912.
Il rentre alors comme employé chez ses oncles Mrs. Thieullent frères, importants négociants en coton au Havre.
Le 1er Août 1914, mobilisation générale, il est versé au 74ème puis au 39ème Régiment d'Infanterie, et passe sergent le 21 Février 1915 ". Le 19 septembre 1914, il fête ses vingt-cinq ans au front.

À partir de cette période, il y a une possibilité plus directe de faire connaissance avec Maxime, à travers toute une série de lettres qu'il envoie à sa famille. Voici les dix premières qui couvrent de septembre 1914 à mars 1915.
"Voici les affaires auxquelles Maxime Eloy prit part" pendant ces premiers mois. :
"Belgique, août 1914, Courcy, septembre 1914, Bois du Luxembourg, février 1915"

 

À la recherche d'un grand-père inconnu.À la recherche d'un grand-père inconnu.À la recherche d'un grand-père inconnu.

                                                                                                          28 Sept 14 (1)
                                   Ma chère petite mère

Deux mots entre deux échafourrées (2) pour te dire que je suis passé au 39e d'Infanterie 7e Cie. Je vais très bien, suis très sale et pas trop fatigué.
  
La bataille ici au centre est terrible, la canon tonne sans interruption jour et nuit (3), c'est effroyable ce que nous pouvons en dégringoler. Je pense que demain, ils seront délogés d'ici et que nous serons en Allemagne d'ici peu (4). J'ai du courage à revendre et il en faut, je te l'assure, et j'ai bon espoir.
  Beau temps pendant le jour, mais glacial la nuit ; nous couchons au bivouac(5) mais défense d'allumer des feux, car nous avons tout le temps des aéroplanes allemands sur la tête. On se fait à tout.
   
Moral des troupes excellent.
   
Rencontré avant hier l'abbé Cauvin (6) qui m'a ravitaillé. Il sait où je suis et à l'oeil sur moi.
   
Mille baisers à tous
   Ton fils affectionné
   
Maxime Eloy

 Excuse le style incohérent, mais je suis abruti et vais aller dormir un peu.
  
Impossible de quitter notre cantonnement pour aller à la messe dimanche matin.

 

Le mouvement vers l'est des armées allemandes, début septembre 1914, et la ligne de front qui se fige après la bataille de la Marne.Le mouvement vers l'est des armées allemandes, début septembre 1914, et la ligne de front qui se fige après la bataille de la Marne.

Le mouvement vers l'est des armées allemandes, début septembre 1914, et la ligne de front qui se fige après la bataille de la Marne.

(1*) Au 28 septembre 1914, lorsque Maxime envoie cette lettre à sa mère, la guerre a déjà commencé depuis presque deux mois. Que s'est-il passé durant ces premières semaines ?
Au mois d'août, les armées allemandes ont envahi et traversé la Belgique, pays pourtant neutre, les Belges leur opposent une résistance héroïque, c'est début septembre, qu'elles parviennent en France. 
Le 2 septembre, on observe un changement de direction de cinq de ces armées, qui au lieu de foncer sur Paris, obliquent à l'est  pour encercler l'armée française sur la Marne, autour de Reims.
Ce sera la bataille de la Marne, un million de soldats français et cent mille Britanniques se préparent à la bataille. Joffre est le commandant en chef.
Les soldats montent au front le 6 septembre. L'artillerie française est très efficace grâce aux fameux canons de 75 à tir rapide de 20 coups minute.
Le 9 septembre, après trois jours de combat, les Alliés sont vainqueurs, l'avancée allemande est stoppée. Il y a deux cent mille morts et blessés de chaque côté.

En peu de temps, la guerre de mouvements va se figer en une guerre de position avec une ligne de tranchées longue de 700 km, de la mer du Nord jusqu'à la frontière suisse et passant par Reims.

(2*) Le sens de la formule, une bravoure affichée, voire un certain panache, on sent que ça va vite dans la tête de Maxime ; et dans mon cas, je mesure comme quoi il y a des sympathies qui peuvent être immédiates, deux mots peuvent suffire.
Le 28 septembre, il se trouverait vers Courcy, dans la région de Reims, c'est-à-dire dans la région au centre de cette grande bataille de la Marne qui a eu lieu quelques jours plus tôt. Ce qu'il décrit (des échauffourées sur fond de canonnade intense) pourrait assez bien ressembler à cet article à propos de Courcy pendant la guerre, dans lequel il est fait mention du 39ème Régiment d'Infanterie, celui de Maxime, précisément : 

Pendant la Grande guerre (Wikipedia)
La 10e brigade de la 5e DI (36e RI et 129e RI) arrive jusqu'au canal le 13 septembre 1914 au soir. Le 129e, en tête, occupe alors la Verrerie de Courcy, les ponts et le village. Le 17 à 20h00-22h00, le 1er bataillon du 39e RI, stationné à Saint-Thierry, rejoint Courcy où il est à la disposition du commandant de la 10e brigade pour étayer la défense de la rive ouest du canal. Dans la nuit du 17 au 18 septembre, alors que le 1er bataillon du 39e RI passe à l'est du canal pour aller relever le bataillon du 129e RI en place à la Verrerie, les Allemands attaquent. Le résultat est que la Verrerie est perdue, puis les ponts sur le canal, et enfin le village de Courcy. Tout le monde se replie, un peu en désordre sur Saint-Thierry sans être poursuivi par les Allemands. Le village de Courcy est repris par les Français peu de temps après, les Allemands restant sur la rive est du canal. Et le front dans ce petit secteur ne bougera plus jusqu'au 5 octobre 1918.
Situé sur la ligne de feu durant les quatre années de la guerre, le village fut repris alternativement plusieurs fois par chacun des deux belligérants. Notamment le 16 avril 1917, c’est la première brigade russe du corps expéditionnaire qui reprend le village.

Les noms de villages ou de lieux cités par Maxime durant ces premiers mois de guerre comme Hermonville, Berry-au-Bac, le bois du Luxembourg, mais également Courcy ou Saint-Thierry, se trouvent tous sur une ligne de front qui se situe entre Reims et Laon (tiens tiens), au nord de la Marne, et donc, de Reims, dans un périmètre assez restreint. 
 

À la recherche d'un grand-père inconnu.À la recherche d'un grand-père inconnu.

(3*) En 1914, la guerre se fait au son du canon. C'est toujours la cas en 2022 en Ukraine. La prédominence de l'artillerie. D'autres rapprochements peuvent se faire entre ces deux guerres. Je pense d'abord à ces gens de tous les jours, des centaines de milliers, des commerçants, des étudiants, des paysans, des artisans, des employés, des ouvriers... qui jusqu'à là vivent en sécurité et qui du jour au lendemain se trouvent sommés de devenir des héros au quotidien, avec le risque d'affronter la mort à chaque instant, d'endurer des conditions de vie inimaginables encore quelques jours auparavant, n'est-ce pas ce que dit Maxime laconiquement - on se fait à tout.

Dans ces deux guerres, dans un premier temps, on ne veut pas y croire. Fin juin 1914, l'attentat à Sarajevo tuant l'archiduc d'Autriche, qui sera pourtant le prétexte du déclenchement des hostilités, passe presque inaperçu. Rien ne devrait venir troubler ce bel été 14. Dans le même esprit, jusqu'à 23 février 2022, la communauté internationale est incrédule face aux rodomontades poutiniennes. Le 24 février, elle comprend qu'elle a eu tort.

Concernant les causes de la guerre 14-18, elles me sont longtemps restés mystérieuses. Sur cette question, la guerre d'Ukraine peut éclairer certaines choses. On retrouve dans les deux situations, des ingrédiants communs :
- Avec et autour de Kaiser Guillaume, comme du président Poutine, un nationalisme exacerbé, paranoïaque et hystérique
- qui craint par dessus tout l'encerclement et donc une menace de destruction par des puissances qui leur sont moralement inférieures. Pour Guillaume II : "Dieu nous a élu pour civiliser le monde, nous sommes les missionaires du progrès humain". Avec Poutine, dont on commence à prendre toute la mesure de son idéologie viriliste, les puissances occidentales sont décadentes, rongées par l'homosexualité, la famille monoparentale, les flux migratoires et autres vices,
- et donc dans les deux cas, allemand comme russe, il y aurait une supériorité civilisationnelle qui serait mise en danger par des sociétés inférieures. Les faibles risquent à tout moment d'anéantir les forts.
C'est une idée que l'on trouve déjà chez Nietzsche où le fort ne pourra se défaire de l'étau mortel du faible qu'en renversant les valeurs, c'est-à-dire que ce qui est injuste pour le faible deviendra juste pour le fort et comme le dit un ancien président français - pour eux, le mensonge fait partie de la discussion - ce qui signifie que pour le fort, il est parfaitement légitime de croire à la vérité de ses propres mensonges, puisqu'ils lui permettent de desserrer l'étreinte mortifère du faible.

Et pour prolonger cette interrogation sur les causes de la guerre 14-18, des citations collectées au gré de mes recherches :
Une autre déclaration de Guillaume II : "Même si le monde entier se dresse contre nous, nous continuerons la lutte jusqu'au dernier".
Ou encore Moltke, chef de l'État-Major allemand en 1914 : "Nous luttons pour notre existence et tous ceux qui se mettent en travers de notre route doivent en payer les conséquences".
Vladimir Soloviev, propagandiste à la télévision d'État russe :"Nous luttons pour l'existence de notre culture, contre le Mal, contre les démons, contre le satanisme, contre l'OTAN"
En contrepoint, Charles Péguy, écrivain tué lors de la bataille de la Marne :
"Heureux ceux qui sont morts pour une juste guerre,
Heureux les épis murs et les blés moissonnés,
Heureux ceux qui  sont morts dans les grandes batailles
couchés dessus le sol à la face de Dieu".

Quand les empires s'imaginent que les démocraties veulent les détruire, alors il devient impératif pour eux de les anéantir. Et du jour au lendemain, alors que presque rien ne le laissait présager, des peuples, comme si les affects étaient juste sous l'épiderme n'attendant qu'une occasion pour s'exprimer, se jettent les uns contre eux et viennent mourir en masse, soit pour conserver une existence supposée menacée, soit pour défendre leur liberté.
Lorsque les enjeux sont si essentiels, alors on a affaire à ce qu'on appelle des guerres d'extermination. Et en fait, c'est bien Paul Maurice qui avait raison lorsqu'il écrivait, il y a quelques années :"Paranoïa et Hystéria sont les deux mamelles de la Tyrannia".

(4*) On l'a tous appris pendant nos cours d'histoire. Au début de la guerre, on pensait qu'elle serait rapide et que l'armée française serait à Berlin dans les meilleurs délais. Ici c'est une pensée prise sur le vif de cette croyance qui apparaît dans toute sa naïveté et à travers laquelle on peut mesurer ce qu'il en est, en général, de la méconnaissance de l'avenir.
Mais c'est vrai que l'immensité du carnage que chacun peut déjà constater en cette fin de septembre n'atteint pas encore le patriotisme des combattants. Maxime  le dit bien "Moral des troupes excellent". Cette guerre menée avec des moyens industriels a commencé à produire des massacres d'un genre nouveau, sans commune mesure avec tout ce qui s'est fait jusqu'à présent. Ainsi la bataille de Charleroi, dès le 22 août 1914, avec 27000 morts, côté Français, devient la journée la plus meurtrière de toute l'histoire militaire de la France, au-delà des glorieuses batailles napoléoniennes. Et de même la bataille de la Marne, qui en trois-quatre jours met hors de combat plus de 400000 soldats.
Non sans raison, et Maxime s'en fait l'écho, on pense que cette démesure va arrêter la guerre. Un soldat écrit : "Je ne désespère pas d'être de retour dans le courant de novembre. Il me semble difficile que les nations engagées puissent prolonger plus longtemps le formidable 
effort qu'elles fournissent actuellement".

(5*) "nous couchons au bivouac (campement sommaire, temporaire et léger)", plus loin dans la lettre, il est question de "cantonnement" (lieu où une troupe s'est installée temporairement). Ici, tout indique que durant ces premières semaines, il s'agit d'une guerre de mouvements, il n'est pas encore question d'un front qui se fige avec une guerre dans les tranchées, mais elles vont arrivées très vite.

(6*) Il y a des patronymes qui ont résonné à mes oreilles durant toute l'enfance et même au-delà. Cauvin était l'un d'eux parmi bien d'autres. Tous ces patronymes semblaient appartenir à des cercles familiaux lointains, inexpliqués, mais peut-être aussi inexplicables. C'est pourquoi, je les laissais venir à moi sans demander de détails. Mais depuis que je lis attentivement le livret de Paul D., je suis passé maître dans l'art de démêler tous ces liens, de trouver une raison à tous ces noms. J'en ferai un compte-rendu plus loin.

 

 

   

Le 4 octobre 1914

                                      Ma chère petite mère

Je commence par te demander de bien vouloir m'envoyer d'urgence un remède contre les poux (pour le corps) ; nous en sommes tous pleins. Ce matin dans ma tranchée, j'ai été obligé d'enlever ma flanelle et ma ceinture de flanelle, ma chemise, mes chaussettes et de tout jeter, nous ne pouvons même pas nous laver, il n'y a donc rien à faire pour faire bouillir tout cela. Je te serais obligé de m'envoyer deux gilets de flanelle. Quelle horreur de penser à cette invasion de vermine. J'aurais préféré n'importe quoi ! C'est dans une bergerie empuantée que nous avons attrapé toutes ces bestioles il y a quelques jours. Et comment s'en débarasser ? (7)
 Je suis toujours dans les tranchées depuis le jour de la Toussaint ; nous sommes à 400 mètres et nous nous bombardons et fusillions presqu'à bout portant. Mais les bougres, ils ne montrent pas souvent le nez.
 À part cela rien de particulier à te signaler 
(8) et je t'embrasse en hâte, car le vaguemestre (9) est à côté de moi qui attend ma lettre et comme il n'a pas l'habitude de la musique qui se joue en ce moment, je ne veux pas prolonger son supplice.
                                                 Mille tendresses pour tous
                                                          Maxime
  
Je reçois la lettre de Léon de Ornis ; mais je ne suis pas encore à Lille (?)


(7*) La guerre s'est à peine installée dans les tranchées que déjà les poux arrivent. Lorsque les hommes se trouvent obligés de se terrer dans leurs abris, ils se livrent à la chasse aux poux. Car ils en sont infestés. Il y en a de toutes sortes, certains aussi gros que des grains de blé, d'autres si minuscules qu'on peut à peine les apercevoir. Il y en a des noirs, des blancs et, ce sont les plus redoutés, des gris avec une croix de fer sur le dos. Tenaces, voraces, ils résistent à tout : aux frictions d'essence ou de pétrole, aux sachets de camphre qu'on porte sous la chemise, à tous les insecticides connus. Guerre sans cesse recommencée et toujours sans espoir. « On en tue dix, se lamente un fantassin, et il en vient cent. »
Le seul moyen efficace de s'en débarrasse est, lorsqu'on se trouve à l'arrière, de faire bouillir ses vêtements.

 

(8*) On peut dire que Maxime sait y faire pour rassurer sa "chère petite mère" - "nous sommes à 400 mètres et nous nous bombardons et fusillions presqu'à bout portant" mais fort heureusement,  "à part cela rien de particulier à te signaler".

(9*) Le vaguemestre est un sous-officier chargé du service postal d'une unité.

 

 

 

 

                                                     6 oct 14

 

   Mon cher Papa, 

Je reçois aujourd'hui ta lettre de Jeudi dernier, ta carte de Samedi ainsi qu'une carte de Maman de même date. La marche de la correspondance par Paris n'est pas très régulière et vos lettres sont plus longues à me parvenir que par Rouen, enfin le principal est que je reçoive de vos nouvelles. Je tâcherai si je retourne en Belgique (10) de trouver la trace de Jacques et suis heureux que vous ayez de bonnes nouvelles de Robert (11).
  
J'ai eu un souvenir pour ma tante Ducert, Dieu ait son âme. J'espère que l'indisposition de bonne Maman Eloy n'aura pas de suites, je lui écrirai demain pour lui souhaiter un bon anniversaire. Merci de tous les autres renseignements que tu me donnes concernant la famille et les amis du Hâvre.
  
Nous sommes toujours dans les tranchées depuis le jour de la Toussaint (12), nous allons, je crois, être relevé ce soir. Voilà quatre jours et quatre nuits que nous n'avons pu pour ainsi dire fermer l'oeil, aussi je suis très fatigué et n'ai pas les idées très nettes pour écrire longuement. Demain après une bonne nuit, je vous écrirai avec plus de détails : dis à Maman en réponse à sa lettre du 31 que nous ne sommes pas trop exposés, bien que nous soyons à 400m des allemands. Heureusement ils n'ont pas notre 75 (13).
  Urgence SVP l'envoi de remède contre les poux et sois assez bon mon cher Papa, pour m'envoyer un peu d'argent. Temps affreux, nous sommes dans un état de saleté dont rien ne peut te donner une idée. À part cela je vais bien et vous embrasse tous affectueusement

Ton fils qui te chérit.

 



(10*) Effectivement, le 74ème RI, qui était la première affectation de Maxime, se trouvait pendant le mois d'août en Belgique. Ce régiment participe à la bataille de Charleroi, (appelée bataille de la Sambre par les Allemands). C'est une lourde défaite de la 5ème Armée française, qui s'était portée au secours des Belges, et qui va pointer les limites de l'esprit de "l'offensive à tout prix" défendu par Joffre.
Néanmoins, la retraite se fait en bon ordre, ce qui permettra aux troupes françaises de prendre le dessus sur les Allemands, à partir du 29 août, lors de la bataille de Guise, au nord de Laon (tiens, tiens). Le 74ème RI est également présent dans cette bataille.
D'ores et déjà, on constate que là où il y a de la bagarre, et même de la très très grosse bagarre, là où ça se décide en quelque sorte, le caporal Maxime Eloy n'est jamais bien  loin, et j'ai l'impression, à partir de ce que je sais déjà, que par la suite, les choses ne vont pas aller en s'arrangeant.


(11*) Il s'agit de deux des frères de Maxime, qui semblent eux aussi mobilisés.

(12*) C'est la 2ème fois que Maxime parle de la Toussaint dans des lettres datées du mois d'octobre ! Ce serait étonnant que le catholique qu'il est avance cette fête d'un mois. Le plus probable, il se trompe deux fois de suite dans la datation de ses lettres qui auraient en fait été envoyées les 4 et 6 novembre...

(13*) Pour tout savoir sur ce canon  - Histoires 14-18 : Le canon de 75 - article

                                                                          Le canon de 75 - vidéo
 

 

 

 

 

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