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éloge de la mollesse

Du côté de chez Bergson

5 Janvier 2016 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #L'individu et la société

Fourmis conscientes d'elles-mêmes (exemple de) - photo Gérard Dubois

Fourmis conscientes d'elles-mêmes (exemple de) - photo Gérard Dubois

 

Dans "les deux sources de la morale et de la religion", il écrit : « Il y a un substratum d'activité instinctive primitivement établi par la nature, où l'individuel et le social sont tout près de se confondre.
Par exemple la cellule vit pour elle et aussi pour l'organisme. Elle lui apporte et lui emprunte de la vitalité. Si elle était consciente, la cellule pourrait se sacrifier au tout en se disant que c'est pour elle-même qu'elle le fait.
Pour la fourmi, son activité est quelque chose d'intermédiaire entre son bien propre et celui de la fourmillière ». 
(p.33-34)
Mais du côté de la société humaine, si la question peut être consciemment posée, c'est la grande différence entre l'homme et la fourmi, elle n'en est pas pour autant résolue : « L'intelligence laisse tant de place aux individus qu'on ne sait plus si la société est faite pour eux ou si les individus sont faits pour elle ». Cette fois, la réponse semble pouvoir basculer vers l'individu mais sans être définitivement tranchée. Loin de là. D'ailleurs, du côté de la nature, pour Bergson, elle se préoccupe bien plus des sociétés que de l'individu. Pour lui, la nature est instinctive.

 

Ce que Bergson appelle les morales utilitaires (dans lesquelles on pourrait inclure le libéralisme) concentre toute cette question, il écrit :  « On sait à quelles difficultés insolubles s'est toujours heurtée la morale utilitaire quand elle a posé en principe que l'individu ne pouvait rechercher que son bien propre, quand elle a prétendu qu'il serait conduit par là à vouloir le bien d'autrui. Un être intelligent, à la poursuite de ce qui est son intérêt personnel, fera sans doute tout autre chose que ce que réclamerait l'intérêt général. Il est douteux que l'intérêt particulier s'accorde invariablement avec l'intérêt général ».
Et effectivement, l'individu, par principe, par définition, n'agit-il qu'en fonction de son bien propre ? A-t-il vraiment une claire conscience de celui-ci ou bien n'est-il pas toujours proche de la fourmi avec une activité qui serait quelque chose d'intermédiaire entre son bien propre et celui de la fourmillière ?
Les morales utilitaires universalisent un être abstrait pleinement intelligent, pleinement conscient de son intérêt personnel et elles l'affublent de surcroit d'une "bonne conscience" puisqu'en recherchant son intérêt personnel, il veut aussi le bien d'autrui !
Pour Bergson, si cet être existait réellement, s'il venait concrètement à voir le jour, avant tout autre considération, il s'autonomiserait. Telle la créature de Frankenstein, il fera sans doute tout autre chose que ce que réclamerait l'intérêt général.  
En fait, le libéralisme, (la morale utilitaire) a inventé cette fiction d'un individu pleinement conscient de lui-même et de ses intérêts particuliers. Et à l'inverse, le communisme a tenté de mettre en place cette fiction d'un être collectif, le prolétariat, c'est-à-dire une classe sociale, elle-aussi, pleinement consciente de ses intérêts propres. Et peu importe si ces deux fictions ont bien du mal à passer à travers le crible de la réalité, à s'imposer légitimement sur la scène de l'histoire.

 

Alors qu'au juste pour Bergson, l'individu s'apparente bien plus à une fourmi consciente d'elle-même, une fourmi intelligente, certes, mais dont la réflexivité partielle le met bien en peine de distinguer, aussi bien dans ses pensées que dans ses actions, ce qui lui appartient en propre et ce qui l'inclut dans un collectif.

 

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Freud, de son côté, envisage pour ces sociétés d'insectes une évolution qui aurait été arrêtée quand le système se serait stabilisé. Une fin de l'Histoire, donc, pour la fourmilière et autre termitière. Ce qui n'est manifestement pas le cas de la nôtre. Il y a encore tant de glorieuses pages qui ne demandent qu'à être écrites.

Le malaise dans la civilisation de Sigmund FREUD.
Extrait.

Pourquoi les animaux ne donnent-ils pas le spectacle d'un tel combat de civilisation ?

Ah ! nous n'en savons rien. Il est vraisemblable que certains d'entre eux, les abeilles, les fourmis, les termites, ont lutté pendant des millénaires avant de trouver ces institutions étatiques, cette répartition des fonctions, ce strict encadrement des individus que nous admirons aujourd'hui chez eux.
Il est caractéristique de notre état actuel que nous ayons le sentiment qu'en aucune de ces cités animales, ni dans aucun des rôles qui y sont dévolus à l'individu nous ne nous estimerions heureux.
Chez d'autres espèces, peut-être un compromis s'est-il instauré pendant un temps entre les influences de l'environnement et les pulsions internes qui s'affrontaient, de sorte que l'évolution fut stoppée.

 

 

 

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