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éloge de la mollesse

Aime ton prochain comme ta gueule

23 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #L'individu et la société

photo - G. Dubois

photo - G. Dubois

 

Le malaise dans la civilisation, 1930  -  S. Freud

 

Le commandement "Aime ton prochain comme toi-même" est la défense la plus forte contre l'agression humaine et un excellent exemple de la démarche non-psychologique du sur-moi-de-la-civilisation.

Le commandement est impraticable, une inflation aussi grandiose de l'amour peut seulement en abaisser la valeur.

                                                                    (p.87)

 

 

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Dernier moment

21 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #De la poésie

Signe des cieux - photo GD

Signe des cieux - photo GD

 

Où ai-je lu qu'au dernier moment, quand la vie, surface sur surface s'est incrustée d'expérience, tu sais tout, le secret, le pouvoir et la gloire, pourquoi tu es né, pourquoi tu es en train de mourir, et comment tout aurait pu se passer différemment ? 

Tu es sage. Mais la sagesse suprême, à ce moment-là, c'est de savoir que tu l'as su trop tard. On comprend tout quand il n'y a plus rien à comprendre.

 

 Le Pendule de Foucault - Umberto Eco,  1988     (p. 646)

 

 

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La Vérité

20 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #De la poésie

La vérité aux mille et un reflets - photo GD

La vérité aux mille et un reflets - photo GD

 

- Ecoutez l'opinion d'un homme qui a de l'expérience : Un des attributs de la Vérité est qu'elle ne permet à personne de l'atteindre sans toutefois l'en décourager, laissant l'homme se débattre dans les dédales de la perplexité. Se croit-il près d'elle ? Elle l'en détourne. S'en croit-il éloigné ? Elle lui donne de l'espoir. Inaccessible, inévitable et pourtant indispensable, telle est la Vérité.

Abdallah le sage proféra ces paroles et prit le chemin de de la ville.

                                                              

Les Mille et Une Nuits - Naguib Mahfouz, 2007

 

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Avoir un fils

19 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #L'humeur des jours

L'éducation d'un poète - photo Gérard Dubois

L'éducation d'un poète - photo Gérard Dubois

 

Si d'aventure j'ai un fils ; au moment des choix difficiles pour entrer dans l'âge adulte, inévitablement, il voudra choisir la carrière d'artiste.

Pourquoi ? Parce que désormais dans les générations qui viennent, c'est le choix qu'ils font tous. Ils veulent faire acteur, peintre ou pire encore musicien. Pour certains, ce sera danseur, écrivain ou même footballeur, clown, pourquoi pas. Enfin quelque chose d'artistique.

Seulement, voilà autrefois, les parents opposaient un refus net et clair à ces désirs de vie esthétique de leur progéniture, si bien qu'avec le filtre de ce refus, très peu avaient suffisamment de caractère pour passer outre, et en fin de compte, étant donné la rareté des artistes en exercice, on pouvait à peu de frais devenir un génie universel et même laisser une marque dans l'histoire.

 

Mais aujourd'hui aucun parent ne s'oppose plus à son enfant si celui-ci se sent en possession, au plus profond de lui-même, d'une véritable vocation d'artiste. Au contraire, il en sera fier, et il lui dira, voulant exprimer toute sa libéralité : "Mon enfant, tu es libre de choisir ce que tu veux faire de ta vie. Et quoique qu'il arrive, ta mère et moi, on sera toujours là pour t'aider.

 

Or que se passe-t-il désormais ? Quel avenir est promis à l'apprenti-artiste ? L'artiste est devenu un tel phénomène de masse. Il y en a tant qui encombre le marché de leur talent que plus aucun n'est visible, audible, lisible. Et le moindre véritable génie universel, sans même pouvoir jouer l'artiste maudit, ne verra jamais sa notoriété dépassée le seuil de son palier.

C'est pourquoi dans mon cas personnel, je dirai à mon fils : "Mon fils, tu seras comptable ou tu ne seras rien. 

Parfaitement, comptable. C'est une profession injustement déconsidérée. On se demande bien pourquoi. Mais qui exige une grande agilité intellectuelle. Tu devras t'en montrer capable.

À la limite, tu seras expert-comptable, si Dieu le veut bien, on croise les doigts, mais là aussi, si tu t'en montres capable.

 

Et ce n'est pas tout. Tu seras également poète. Ça je te l'accorde, même si tu n'as rien demandé. Mais parce que c'est derrière le poète que tous les autres artistes viennent se ranger en ordre de bataille. Ils reconnaissent en lui leur souverain. En somme, il les résume tous.

Donc, mon fils, tu seras comptable-poète.

 

En tant que comptable, tu assureras ta subsistance par le maniement des chiffres et des nombres, et poète, tu le seras à tes heures perdues. À midi, au lieu d'aller t'attabler sottement avec tes collègues et le soir dans ta chambre solitaire, tu écriras à ta façon inimitable, hautement singulière, toute l'imbécilité du monde, et ton dégout, ton impossiblité à vivre avec ces contemporains-là.

Avec d'infinis variations, tu diras comment ta misérable existence ne parvient pas à s'accorder ni même entrer en relation avec cette abominable société et par là tu gagneras une grandeur d'âme. Tu oscilleras entre toutes les contradictions du monde pour bien montrer aux hommes sur quels écueils ils risquent de se fracasser à chaque instant et quand, par miracle, ils en évitent un, c'est pour mieux s'abîmer sur son opposé.

 

Mais ce n'est pas tout. Avec cette configuration de comptable-poète, tu t'ouvres des possibilités non-négligeables d'un grand destin glorieux comme par exemple, finir au Panthéon. Figure-toi, c'est déjà arrivé dans l'histoire de la comptabilité et de la littérature réunies qu'un comptable-poète soit enterré au Panthéon des Grands Hommes.

Parfaitement, pas plus loin qu'au Portugal, un comptable-poète qui s'appelait Fernando Pessoa* a, sa vie durant, décrit avec un immense brio, sa vie de souffrance, de comptable et de poète, pour finalement cotoyer durant sa mort d'autres très grands poètes de sa nation, dont certains l'avaient précédé, les pieds devant, bien des siècles auparavant.

 

Et je peux t'assurer que dans ce pays qui en a toujours beaucoup compté, aucun grand footballeur n'a été admis dans ce lieu, alors qu'un simple comptable-poète, oui !

Mon fils, tires-en les conclusions qui s'imposent. Une destinée t'attend."

 

Ainsi, je parlerai à mon fils et il m'écoutera.

 

 

 * La stricte vérité oblige à préciser que dans le Livre de l'Intranquilité, c'est Bernardo Soares, un des hétéronymes de Fernando Pessoa, qui occupe un poste de comptable dans une société. Pessoa, lui, pour gagner sa vie, a exercé une activité d'agent commercial. Mais qu'importe, pour l'éducation de mon fils à venir, on gardera cette profession de comptable. Elle est plus poètique. N''existe-t-il pas des correspondances entre le poète et le comptable. Le poète compte, lui aussi, les syllabes, les pieds, les vers pour composer un sonnet, etc.

 

 

- Tu m'écoutes !  - photo GD

- Tu m'écoutes ! - photo GD

 

D'ailleurs Pessoa écrivait lui aussi sur cette idée de la pléthore d'artistes dans nos temps modernes : " Mais lorsque l'art cessa d'être considéré comme une création, pour devenir l'expression des sentiments, alors chacun put devenir artiste, puisque tout le monde a des sentiments. "

(Le livre de l'intranquilité, para. 249, II )

 

 

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Oblomov

18 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #De la poésie

Oblomov

ll y a le bovarysme, il y aussi l'oblomovisme. Deux personnages de roman qui apparaissent sensiblement à la même période, 1857 et 1859. Ils mettent tous les deux à jour deux pathologies modernes : la surconsommation d'un côté, la procrastination de l'autre.

 

 

par Ivan Gontcharov (1859)

 

La vie à ses yeux se divisait en deux : la première partie consistait en travail et ennui, des synonymes pour lui, la seconde en calme et joie paisible. C'est pour cela que sa carrière principale - son service - l'étonna au début de la manière la plus désagréable.

Élevé au fin fond de la province, dans les coutumes et les moeurs douces et chaleureuses de son pays, ayant passé vingt ans dans les bras de ses proches, des amis et des connaissances, il était si imprégné du principe familial, que son futur service se présentait à lui sous forme d'une occupation familiale, semblable par exemple à la manière paresseuse qu'avait son père d'inscrire dans un cahier les débits et les crédits.

Il supposait que les fonctionnaires d'un même bureau constituaient une famille étroitement unie par des liens d'amitié et qui n'avait d'autre soin que de veiller à la tranquillité et au bien-être de ses membres; que la fréquentation du bureau n'était en aucun cas une activité obligatoire, à laquelle il fallait se tenir chaque jour, et qu'un temps pluvieux, une grande chaleur ou une simple indisposition étaient des prétextes suffisants et légitimes pour s'en dispenser.

Qu'il fut désappointé en voyant qu'il ne fallait pas moins d'un tremblement de terre pour qu'un fonctionnaire en bonne santé manquât son travail ! Et comble de malheur, il n'y avait pas de tremblement de terre à Petersbourg; une inondation, bien sûr, pouvait aussi constituer un obstacle, mais elles se faisaient rares.

Oblomov devint encore plus songeur lorsque devant ses yeux défilèrent d'innombrables paquets marqués "important" et "très important", lorsqu'on lui fit rédiger des fiches, prélever des extraits, fouiller dans des dossiers, remplir d'écritures des cahiers... En plus de tout cela, tout le monde le pressait, tout le monde se hâtait on ne savait où, sans jamais s'arrêter : à peine venait-on de régler une affaire qu'il fallait en attaquer une autre avec fureur, comme si tout en dépendait, et, une fois qu'elle était terminée, elle était oubliée pour une troisième - et ainsi de suite sans fin.

                                                                (p.82-83)

 

L'apparition d'Oblomov dans la maison n'avait suscité aucune question, aucune attention particulière ni chez la tante, ni chez le baron, ni même chez Stolz. Ce dernier avait voulu introduire son ami dans une maison aux moeurs un peu puritaine, où non seulement on ne lui proposerait pas de faire une sieste, mais où il était même gênant de croiser les jambes, où il fallait être toujours fraîchement vêtu, savoir ce qu'on dit, en un mot où il n'était pas question de somnoler, ni de se négliger, où l'on poursuivait sans cesse une conversation vivante sur des sujets d'actualité.

                                                        (p.308)

 

Et Oblomov lui-même ? Il était l'expression parfaite et naturelle de ce calme, de ce contentement, de ce silence imperturbable. Comme il réfléchissait à son train-train auquel il s'habituait de plus en plus, comme il l'observait attentivement, il finit par décider qu'il n'avait plus à aller plus loin, qu'il n'avait plus rien à chercher, que l'idéal de la vie s'était réalisé, bien que ce fût sans poésie, sans ces couleurs avec lesquelles son imagination lui avait jadis dépeint la vie seigneuriale large et insouciante dans sa campagne natale, parmi les paysans et la domesticité.

Il considérait sa vie actuelle comme le prolongement de cette même existence oblomovienne, mais dans un décor différent et à une époque légèrement différente. Ici, tout comme à Oblomovka, il parvenait à se débarrasser de la vie pour peu de frais, à lui extorquer le repos imperturbable qu'il s'était assuré.

Il triomphait intérieurement d'avoir fui ces exigences et ces menaces qui le tourmentaient et l'importunaient, d'avoir perdu de vue ces horizons, où brillent les éclairs des grandes joies, mais où retentit soudain le tonnerre des grands malheurs, où miroitent des espoirs mensongers et de magnifiques fantômes de bonheur, où l'homme est rongé, consumé par sa propre pensée et tué par la passion; où l'intelligence succombe ou triomphe, où l'homme mène un combat permanent et ne quitte le champ de bataille qu'exténué, mais toujours aussi insatisfait et insatiable. Lui, qui sans avoir éprouvé de voluptés gagnés au combat y avait renoncé, ne se sentait calme que dans un coin oublié, étranger au mouvement, à la lutte, à la vie.

Pour peu que son imagination vînt à bouillonner, que les souvenirs enfouis où les rêves irréalisés resurgissent, que sa conscience lui reprochât d'avoir vécu ainsi sa vie, il dormait mal, se réveillait, bondissait hors du lit, versait parfois de froides larmes de désespoir sur son lumineux idéal de vie, à jamais éteint, comme on pleure un mort bien-aimé, avec le sentiment amer de n'avoir pas fait assez pour lui de son vivant.

Puis, il regardait autour de lui, goûtait aux biens temporels et se calmait, en admirant le soleil vespéral s'immerger doucement et paisiblement dans l'incendie du couchant; il décidait alors que ce n'était pas un accident, mais une prédestination, s'il vivait aussi simplement, que la vie lui avait été donnée pour exprimer l'idéal de la paix.

A d'autres, pensait-il, d'exprimer ses aspects inquiétants, de mouvoir les forces créatrices et destructrices ; à chacun sa destination !

Telle était la philosophie de ce Platon oblomovien qui le berçait au milieu des questions et des sévères exigences du devoir et de la destinée! Il était né et avait été élevé non comme gladiateur pour une arène, mais comme paisible spectateur du combat. Son âme timorée et paresseuse n'aurait pu supporter ni les angoisses du bonheur, ni les chocs de la vie dont il n'avait par conséquent exprimé qu'un seul aspect, sans plus rien y chercher, sans plus de changement ni de remords.

Avec l'âge, comme les émotions et les remords se faisaient plus rares, il s'installait doucement, petit à petit, dans le cercueil simple et large où il allait passer le restant de ses jours, cercueil fait de ses propres mains à l'instar des sages du désert qui, après avoir renoncé au monde, se creusent une tombe.

                                                            (p.642-644)

 

La terrible maladie – Ivan Gontcharov (1838)

 

- Imaginez commença Zinaïda, un pittoresque côteau sablonneux s'élevant au-dessus d'un ruisseau ; au sommet de la côte, trois pins et un bouleau - exactement comme sur la tombe de Napoléon; comme l'a finement observé Ivan Stépanytch ; plus loin, on voit un lac, qui tantôt se ride sous le vent tel un drap de mousseline, tantôt repose étale, brillant et lisse comme un miroir; sur les rives se pressent des maisonnettes, et on dirait qu'elles souhaitent de sauter à l'eau - toutes, elles abritent des bonheurs simples et les vertus du labeur, de la satiété, de l'amour et de la famille ! D'un bord escarpé à l'autre du lac, un pont suspendu fait de planches a été jeté, qui ferait honneur, par l'art et l'audace des constructeurs, à n'importe quel ingénieur, et ce pont est recouvert de ... de quoi déjà mon oncle ? Vous me l'avez déjà dit, mais j'ai oublié...

- De fumier, ma chérie, répondit le professeur. C'est une chose courante?

- Oui, peut-être. Mais cela confère au paysage une allure particulière, excessivement pittoresque, qui rappelle la Chine et la Suisse. Malheureusement, même là-bas, loin de la foule, la nature n'est pas à l'abri des contacts impurs de l'homme ! Songez donc : dans ce lac charmant que même le Zéphyre hésite à effleurer de son souffle, des soldats lavent leur linge, et la mousse s'étale sur toute la surface !

                                               (p.49)

 

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Tous pourris

18 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Politiquement vôtre

 

Si on passait un peu de temps dans un ministère, un parlement, une commission, un conseil régional, départemental ou municipal, on constaterait que les élus ne passent pas tous leur temps à se goinfrer au service de l'oligarchie mais qu'il leur arrive de bosser, discuter, débattre, amender, voter, bref, de faire vivre la démocratie au quotidien.

 

Et même sans se déplacer dans tous ces lieux, si l'on daignait regarder, ne serait-ce que cinq minutes une chaîne parlementaire, on constaterait facilement qu'on y voie des représentants élus, de tout bord d'ailleurs, qui connaissent les dossiers, compétents, au service des citoyens, et finalement, dignes de respect. En fait, une vision du monde politique plus intéressante que celle, platement caricaturale, que l'on trouve par habitude. Le lieu commun populiste repris inlassablement - tous pourris - dit à chaque fois par le locuteur avec une conviction telle sans doute pour exprimer quelque chose de fondamentalement nouveau, jamais entendu auparavant.

 

 

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un Grec, homme et simple mortel

17 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #De la poésie, #De la mollesse

Épicure et LucrèceÉpicure et Lucrèce

Épicure et Lucrèce

 

 

À propos d’Épicure

 

Spectacle lamentable, abject, la vie des hommes se traînait sur la terre, écrasée sous le poids d'une religion dont la face hideuse, surgie des hauteurs du ciel, faisait peser sa menace sur les mortels - quand le premier, un Grec, homme et simple mortel1, osa relever les yeux pour affronter cette menace. Les fables diverses répandues sur les dieux, la foudre et les grondements menaçants du ciel, loin de l'arrêter, ne firent qu'exciter sa courageuse ardeur et son dési de briser le premier les verroux étroitement clos des portes de la nature. Vigueur vivace et victorieuse de l'esprit, qui le porta très loin au-delà des flamboyantes murailles du monde - voyage mental et spirituel à travers le tout immense, dont il est revenu victorieux nous révéler ce qui peut naître, ce qui ne le peut pas, les lois qui fixent à chaque chose un pouvoir fini et un terme inébranlable2. Alors, à son tour, la religion est renversée, foulée aux pieds - et nous sa victoire nous élève jusqu'au ciel !

                                         La nature des choses – Lucrèce, (p.19 d'une édition oubliée)

 

 

1 - Étant donné ce qu'Épicure a accompli, il aurait pu s'agir d'un dieu ou d'un demi-dieu, mais non, Lucrèce nous le dit, ce qui semble incroyable,  il n'était que mortel.

2 - Vers qui seront dans le poème, un véritable leitmotiv : ce sont ces lois de la nature qui, assurant la possibilité d'une explication raisonnable, nous sauverons de l'angoisse irraisonnée et de la superstition religieuse. Les dieux mêmes ne peuvent les transgresser.

 

 

Le principe dont nous partirons, c'est que rien, jamais, ne naît de rien, fût-ce par l'effet d'une intervention divine. Or si l'épouvante étreint le coeur de tous les mortels, c'est de voir sur la terre et au ciel, bien des phénomènes dont ils ne peuvent discerner les causes et dont ils s'imaginent qu'ils sont l'effet d'une intervention divine. Mais quand nous aurons compris qu'évidemment rien ne peut sortir de rien, alors nous verrons se dessiner à l'horizon les contours de ce que nous cherchons, alors nous saurons d'où peut naître toute chose et comment sans aucune participation des dieux, tout peut s'accomplir.

Car si le rien pouvait engendrer quelque chose, n'importe quoi pourrait produire n'importe quoi, sans germe créateur. Les hommes naîtraient de la mer, les poissons de la terre et les oiseaux jailliraient du ciel, bétail gros et petit, bêtes sauvages se répartiraient indifféremment lieux cultivés et déserts ; les arbres; loin de porter toujours les mêmes fruits, varieraient leur production, et tout arbre offrirait tout espèce de fruit. Dès que nous supposons l'absence de semence génératrice propre à chaque espèce, pourquoi attribuer à chacune une mère déterminée ? Mais l'hypothèse est insoutenable : la réalité, c'est que toute chose doit sa création à des semences spécifiques, et rien ne peut naître ni aborder aux rives de la lumière que là où se trouvent la matière et les corps premiers qui sont les siens. Oui, chaque création a ses propriétés particulières, ce qui nous interdit de croire que n'importe quoi puisse naître de n'importe quoi

                            La nature des choses – Lucrèce, (p.22 d'une édition oubliée)

 

 

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Le cool se rebiffe

14 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #L'humeur des jours, #Politiquement vôtre

 

Bégaudeau écrit : "le cool qui est la pire hypocrisie", "qu'au-delà de la violence sociale, c'est le coulis de framboise qui l'enrobe qui est obscène," et pour finir, " c'est le cool qui est haïssable"

 

On le voit. Le cool est à la fois, hypocrisie, obscène et haïssable. Excusez du peu.

Pétard, j'étais loin de penser que la cool attitude était coupable de tous les maux sur terre. Où va se nicher la haine du bobo, tout de même.

Donc la cool attitude est un marqueur qui vous place désormais du mauvais côté de l'histoire, et pire encore, crime odieux s'il en est, du mauvais côté de la sacro-sainte lutte des classes.

Moi, j'avais tendance à penser que la cool attitude était une bonne part de ma substance, qu'au fil des décennies, elle m'avait constitué. Une sorte de continuité d'existence en somme. Et bien, à l'évidence, j'étais dans l'erreur.

Mais Dieu merci, Begaudeau et la vraie gôche éternelle veille sur nous, sur le salut de nos âmes parce qu'eux seuls savent distinguer où est le bien et où est le mal.

Ceci dit, cool j'ai été, cool je suis, et cool, j'entends bien le rester. N'en déplaise à Bégaudeau que j'emmerde au passage. Ce qui n'est pas très cool, je le concède. Mais qu'est-ce que j'y peux si, en moi, le cool se rebiffe.

 

 

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Truffaut en Inde

9 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Les trains que nous prenons, #Cinéma

 

 

Deux hommes viennent s’asseoir en face de vous. L’un plus âgé que l’autre.

─ Alors, qu’est-ce que tu as fait en Inde ?

─ En Inde, j’ai fumé des cigarettes.

Ah ! et j’oubliais, j’ai revu à la télévision un film de Truffaut, un Antoine Doinel. C’est toujours aussi formidable. Même plus. Ce qui est curieux. En France, j’aurais certainement changé de chaîne, mais là à cause de la distance, je l’ai regardé avec beaucoup de plaisir. Je riais à chaque réplique.

Pourquoi j’aurais changé de chaîne en France, c’est la question que tu me poses. À cause, je crois, d’une certaine forme de rapport au passé dans les films de Truffaut. Il le disait de cette manière : mon cinéma, c’est du présent qui regarde de l’imparfait. C’est-à-dire un passé qui n’est pas circonscrit, qui continue à agir dans le présent, en fait qui peut te sauter à la gueule à tout instant.

Par exemple, dans les deux Anglaises et le continent, le héros voit jouer dans un parc en France, des fillettes anglaises. Il se demande aussitôt si l’une d’elle ne serait pas la fille de la jeune femme qu’il a aimé vingt ans auparavant de l’autre côté de la Manche. Il veut aller interroger la petite rousse qui… Mademoiselle, ne seriez-vous pas la fille de… Il se ravise au dernier moment.

Ou encore Antoine rencontre une ex - comme on ne disait pas encore au début des années soixante - d’un film précédent. Tu vois, toujours du présent qui regarde cet imparfait surgissant.

Moi aussi, je guette des visages. J’ai souvent le sentiment que je vais rencontrer une ex, et dans la minute qui vient. Mais bordel, ça m’arrive jamais. Ou alors si, une fois, c’est arrivé. Je l’ai pas reconnue, dis donc.

─ C’est une chose qui se produit aussi dans un film de Truffaut. Adèle H.

─ Eh bien, l’Inde est comme un film de Truffaut. Du passé actif dans le présent. Et même, un empilement de passé. Depuis mon retour, je suis tombé sur un très beau documentaire, des images magnifiques sur Bénarès back in 1937. Ce qui ne va pas du tout. Il ne s’agit pas d’un retour mais à l’inverse from 1937. De, en provenance de 1937, comme un train indien qui entre en gare, péniblement certes, mais chargé de toute une histoire multi-décennales.

Il y a un commentaire qui dit : the city has changed , undoubtedly except the camels but…Mais ce n’est pas vrai : Nothing has changed, au contraire, et indubitablement, s’il te plaît. Et pourquoi ?

Parce qu’en 1937 comme aujourd’hui, tu retrouves exactement la même circulation des gens, les mêmes vêtements, les mêmes visages, d’enfants et de vieillards, les mêmes échoppes, le même chariot avec ses roues énormes, les mêmes gestes du quotidien. Je suis d’accord sur un point, except the camels. C’est vrai, il y a moins de chameaux maintenant qu’à l’époque, mais l’enseigne BATA, les chaussures, elle était déjà là, elle y est encore.

Regarde des images occidentales des années trente ; les visages d’enfants, les vieillards, ce ne sont plus les mêmes. D’ailleurs, nous n’avons plus de vieillards mais des personnes âgées.

Ici, c’est notre trop grande distance au passé qui fait que je ne peux pas regarder un film de Truffaut sans être englouti par la profondeur de la nostalgie. Surtout moi, un garçon tellement sensible.

─ Mon pauvre ami, le mot est faible.

─ Mais parce que nous voyons trop le passé avec le prisme du passé simple. Un passé qui aurait soi-disant trouvé ses limites dans le temps, dans le genre : 14-18 ou 39-45, comme si les guerres ne débordaient pas, bien au-delà des limites qu’on leur assigne. On enferme le passé dans des limites parce qu’on veut l’achever. Nous, le plus souvent, on se tourne vers des morts, dans le passé, comme pour mieux le maîtriser. Après l'avoir vidé de tout ce qu'il pouvait avoir de vivant.

Alors qu’en Inde, les films de Truffaut sont au diapason du rapport au passé dans ce pays. En fait, ce n’est pas à cause de la distance que j’ai pu regarder, là-bas, les aventures d’Antoine Doinel mais grâce aux accointances temporelles entre ces deux univers, l'Inde, d'une part, et les films de Truffaut, d'autre part.

 

─ Tu sais s’il y a du passé simple en hindi ?

─ Non, mais c’est curieux que tu me poses cette question ; l’autre jour, j’ai essayé de m’intéresser à cette langue, non pas sous l’angle de la grammaire, mais du point de vue des mots.

Un assez long silence.

─ Je suppose qu’à cet instant précis, je dois te relancer en disant : c’est-à-dire…

─ C’est-à-dire l’effet que les mots de cette langue produisent en moi. Je les entends sans les comprendre, à la fois si proches et si lointains. Des mots avec des sonorités toujours justes qui se déploient avec une telle ampleur.

Par exemple, prends ce groupe de mots en hindi qui veut dire « dernier voyage », antima yâtrâ.

Inspiré, Antima yâtrâ, il lève les mains à hauteur du visage et en écartant le pouce et l’index fait comme s’il étirait un bandeau, Antima yâtrâ. Là, c’est un déploiement de /an/ et de /a/, Antima yâtrâ. Simplement magistral. Une langue qui aurait été inventée pour faire sonner les voyelles. Antima yâtrâ, si tu ne m’avais pas donné le sens, je crois que j’aurais pu le deviner.

De plus en plus inspiré, Antima yâtrâ, comme un mantra magique à répéter sans fin. Retour au prosaïque, et puis « dernier voyage » fait aussi penser au titre d’un film de Truffaut.

─ Justement, nous sommes vraiment en phase, aujourd’hui, je me suis amusé à traduire des titres de ses films en hindi. Il prend un petit bloc-note. Celui-là me plaît beaucoup : Baisers volés devient Côrî cumbana que tu prononces – /tchôrî tchumpan/ – tu entends, un baiser, c’est presque du champagne. Une coupe qui, comme tu le sais, dans le cinéma bollywoodien, n’est jamais bue. Les lèvres se cherchent, s’effleurent, mais ne parviennent pas à se trouver. Ils devraient mettre une flèche.

─ C’est sûr qu’il n’y a pas de baisers volés dans le cinéma indien, sauf aux spectateurs par la morale et la censure. Mais /tchôri tchumpan/, je devais forcément le deviner. Essaie un autre sans rien me dire.

─ Jangali baccê soit /Jangli batché/.

─ L’enfant sauvage.

─ Comment t’as fait ?

Petit geste de la main. Trop facile. Un autre.

─ Kâlâ sâdî ou plus exactement /kâlâ châdî/

D’une voix profonde, comme une invocation. /kâlâ châdî/ - /kâlâ châdî/. La mariée en noir. Il précise. La mariée était en noir. Revoilà de l’imparfait. /kâlâ châdî/ C’est bien une histoire de vengeance ? Un passé qui ne passe pas.

─ Incroyable. Monsieur, il se tourne vers vous, vous constatez comme moi que cet homme est habité par le Saint-Esprit. Vous acquiescez en souriant. L’esprit des langues le possède, il lève les deux mains au-dessus de la tête de son ami comme pour tenter un exorcisme, et d’une voix traînante et chevrotante, Essprrit, y es-tuuu ?

 

Un deuxième silence, plus court. Ah écoute, tu me feras toujours rire… petite tape sur l’épaule de l’autre. En fait, ce qui est important quand tu reviens d’un voyage en Inde, c’est, pour répondre à un éventuel interlocuteur qui, inévitablement, avec les yeux écarquillés, te demandera - alors c’était comment ? – de pouvoir dire deux ou trois choses plus ou moins intelligentes sur le pays. J’espère avoir répondu à ton attente.

Dubitatif, de toute sa hauteur. Disons que tu as fait un effort .

Sec, un chouïa. Je te remercie.

 

 

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    La place de la merde dans votre vie

    8 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Les trains que nous prenons

    Enfant au pot

    Enfant au pot

    Maintenant vous repensez à la conversation des deux compères de tout à l’heure. Vous auriez pu intervenir. L’Inde est un monde que vous connaissez, dans lequel vous aussi avez voyagé. C’est un pays sur lequel vous auriez des choses à dire. Et pourtant motus. Une fois de plus, vous n’avez rien dit. Toujours ce maudit esprit de l’escalier. Vous devriez organiser votre vie dans une cage d’escalier. Ce serait un univers plus stimulant pour vous, avec ses hauts, ses bas, ses montées, ses descentes où le plat, les paliers ne comptent que comme départs et arrivées. Le train aussi est mouvement, mais visiblement, son déplacement est encore trop linéaire pour vous. Il recrée trop de stabilité. Alors que dans l’escalier, vous pourriez recevoir des amis, organiser des débats, tenir des colloques. Votre esprit d’à propos, si défaillant, ne serait pas pris en défaut.

     

    Toujours est-il qu’une question posée par l’un des deux a retenu votre attention et l’autre n’avait pas embrayé sur elle. La question était : Est-ce qu’il y a du passé simple en hindi ?

    Et vous, de façon implicite, avez entendu : y a t-il du refoulé, de l’inconscient en Inde ? Puisque vous êtes de nouveau seul, c’est une question à laquelle vous devez répondre solitairement. À cette interrogation qui est aussi un fantasme. Un psychisme où il n’y aurait pas d’inconscient !

    Malinoski, entendant parler d’une peuplade mélanésienne qui n’avait pas d’histoires scatologiques dans son répertoire folklorique, se serait écrié : « Alors, ils n’ont pas d’inconscient ». Et Freud ne disait pas autre chose.

    En ce qui vous concerne, cette association vous a toujours paru étrange. En quoi la merde serait-elle à ce point constitutive de l’inconscient ?

    Et bien, aujourd’hui, c’est un mystère qu’il convient d’élucider séance tenante, et en commençant par vous-même. N’y a-t-il pas profusion de caca dans vos rêves ? Tout au long des nuits, ces scènes qui reviennent, où au vu et au sus de tout un chacun, vous êtes assis sur un siège d’aisance à satisfaire vos besoins, tout comme l’enfant en bas âge à qui on installe le pot dans le salon au milieu du cercle familial. Et encore celles-ci, tout aussi fréquentes, où dans des lieux publics, vous tenez au bout du bras, un sac de merde. Au début, vous êtes plutôt innocent, mais comme vous ne trouvez pas preneur, peu à peu la honte vous envahit, et vous devez de toute urgence, dissimuler ce sac.

    Bien sûr, ce ne sont pas les rêves de ce genre qu’on choisit de raconter au petit-déjeuner à sa bien-aimée, ou alors on peut être assuré qu’elle vous lancera un œil torve.

    Donc voilà, vous avez la preuve par vous-même que le scatologique emplit de façon, somme toute, assez massive votre inconscient. Inutile de vérifier votre passeport, il n’est pas mélanésien.

     

    Tout ça n’est pas bien original. Ce sont des choses qui se savent depuis que la psychanalyse s’est invitée dans nos sociétés, mais là, au moins, à travers votre propre expérience onirique, vous pouvez éprouver à quel point la matière fécale n’est pas un objet d’échange, et qu’elle est la chose refoulée de nos consciences.

    Il n’en fut pas toujours ainsi, il y eut même un temps béni où le caca avait une valeur d’échange. Lorsque votre mère, par exemple, vous nettoyait, et qu’elle emportait tout naturellement dans un paquet de couche le cadeau que vous lui aviez fait. Là vous existiez bel et bien dans cet échange. Et vos rêves ne sont-ils pas autre chose que la nostalgie de ce contentement, le mot est faible, que cela vous procurait quand vous-même par cette production étiez accepté en totalité.

     

    Plus tard, lors d’un petit-déjeuner, car c’est quand même le moment idéal pour parler des rêves, vous oserez enfin évoquer ce thème récurrent de vos nuits. Et l’une des personnes présentes autour de la table vous fera remarquer que ces non-échanges peuvent aussi représenter une autre de vos productions, toutes ces feuilles enfouies depuis des décennies dans des dossiers, des pochettes plastiques, des classeurs, et qui elles aussi ne trouvent pas preneur. Votre production scripturaire. Et, ce jour-là, vous trouverez l’analogie tout à fait pertinente.

     

     

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    Pour une théorie générale de l’échange

    8 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Les trains que nous prenons

    Pour une théorie générale de l’échange
    Pour une théorie générale de l’échange
    Pour une théorie générale de l’échange

     

     

    Maintenant, à ce point de vos réflexions, vous avez l’intuition qu’il convient de regarder de plus près cette notion d’échange. Il devient important pour vous de l’approfondir et d’en faire un concept qui vous soit propre.

     

    Dans les systèmes innombrables d’échanges, vous prendrez comme modèle l’échange linguistique ; ce qui vous ramènera à Benveniste et à ces fastueuses années où à l’université, à partir des Problèmes de linguistique générale, chapitre après chapitre, vous preniez des notes scrupuleuses. Un rapide moment d’émotion, une pensée pour ce cher Émile, et vous reprenez le cours de vos réflexions.

    L’échange linguistique institue un « je » et un « tu ». Si l’on ajoute un certain nombre de mots idoines comme « ici, maintenant, hier, aujourd’hui, demain…», c’est un présent qui s’instaure et l’on obtient ce qui s’appelle une situation d’énonciation. Cette insertion dans un présent est à tout coup fondateur d’une temporalité ou pour le dire autrement ceux qui entrent dans l’échange linguistique voient s’ouvrir les portes du temps.

    Dans la situation d’énonciation, par un effet dominos, il va avoir du temps qui s’échange. Le présent n’est plus un temps immobile, un instant d’éternité, mais il peut se transformer en passé, et du coup, le passé ne s’absente jamais tout à fait du présent. Présent et passé se lient l’un à l’autre.

     

    C’est maintenant au Cours de linguistique générale de venir alimenter votre réflexion. Combien d’heures avez-vous passé au-dessus de l’épais volume saussurien. De nouveau, un instant d’émotion à la pensée du divin Ferdinand, et vous poursuivez.

    Celui-ci, en ce qui concerne l’aspect sémantique des verbes, donnait une définition du perfectif et de l’imperfectif (C.L.G. p.162). Pourquoi ne pas élargir le champ de ces catégories au-delà du verbe, ce qui donnerait les définitions suivantes :

    Le perfectif représente la chose dans sa totalité, comme un point, en dehors de tout devenir, lorsqu’un interdit pèse sur elle et vient la clôturer.

    L’imperfectif montre l’objet en train de se faire dans l’échange et sur la ligne du temps. Tant qu’il demeure en lui, l’objet de l’échange est toujours licite et l’interdit qui pourrait peser sur lui reste en quelque sorte caché.

    Il vous semble important de lier d’emblée, la temporalité, l’échange et l’interdit, au point que lorsqu’un échange est repéré, la question à se poser soit : quel interdit peut venir le barrer. Et inversement si un interdit est identifié, on doive se demander de quel échange ou plutôt de quelle absence d’échange est-il le signe.

     

    L’interdit est primordial. Sans lui, l’échange, de local, a vite fait de s’universaliser. Il tend à la totalité. Sans lui, il n’y a plus de solitude possible.

    Si les interdits sont trop faibles, l’échange tend à s’amplifier, et les interdits sautent les uns après les autres.

    Certains ont espéré ou observé ce phénomène. Ainsi le marquis de Sade, après la Révolution, enjoignait aux Français de faire encore un effort. Il voulait dire par là qu’après la Révolution qui avait échangé un ancien régime pour une nouvelle société, il convenait de faire aboutir l’orgie généralisée, c’est-à-dire l’échange sexuel tout azimut. Ou encore Karl Marx qui voyait dans la société dont il était le contemporain, l’objet matériel et immatériel entrer toujours plus dans la sphère de l’échange marchand, le destin de tout objet étant d’être transformé en marchandise par une tendance à la marchandisation là encore généralisée.

     

     

     

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    Situation du scatologique en Inde et autres considérations

    8 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Les trains que nous prenons

    Khajuraho - Orchestre et danseuse - photo Françoise Manse

    Khajuraho - Orchestre et danseuse - photo Françoise Manse

     

     

    Pour en revenir au départ de votre réflexion, le scatologique. Il s’établit clairement qu’il relève du perfectif. Mais si on retourne en Inde, sa situation paraît sensiblement différente.

    Là-bas, il n’est pas rare de voir au bord des routes, des voies ferrées, sur les plages, des gens s’accroupir Dans certaines villes, des égouts à ciel ouvert, larges comme des rivières dégagent leur odeur pestilentielle.

    On sait que la pureté du Gange n’est pas en rapport avec le nombre de bactéries absentes dans chaque centilitre d’eau.

    Si l’on ajoute ces larges plateaux de bouses, fraîches et bien épaisses, qui jalonnent les rues des cités indiennes, le voyageur a rapidement dans l’idée que dans ce pays la fonction fertilisante de la matière en question est plus mise en avant que l’interdit qui pèse éventuellement sur elle.

    En Inde, le scatologique est toujours un objet sur lequel se portent les regards, qui sollicite à ses dépends l’odorat. Il n’est pas rejeté hors du temps mais bien présent au quotidien. Bref en Inde, le scatologique, comme beaucoup d’autres objets, se conjuguent à l’imperfectif.

     

    La matière brune subit donc un sort qu’on pourrait dire plus favorable là-bas que dans nos contrées. Vous n’en diriez pas autant des matières blanches sécrétées par le corps. On connaît l’interdit qui pèse sur l’échange de sueur.

    La civilisation indienne a construit un système social d’une extrême complexité pour prescrire à un individu qui il peut toucher et qui il ne peut pas toucher. Les structures familiales et professionnelles se sont organisées autour de cet interdit.

    Toute la hiérarchie sociale s’organise pour exclure celui qui est à la fois intouchable et intouchant. Elle prend tout son sens à partir de ce hors-caste. C’est-à-dire celui qu’elle a mis en opposition avec elle.

    La foule indienne, cette multitude qui s’agite dans tous les sens est aussi une foule dans laquelle, incroyablement, on ne se touche pas.

     

    Mais il y a une deuxième sécrétion corporelle, également blanche, qui dans cet univers, ne s’échange pas. Les films bollywoodiens en fournissent un bon exemple. Vous-même êtes friand de ces scènes où les amants se consument dans des non-baisers qui leur brûlent les lèvres, comme si un voile invisible était tendu entre leurs deux visages.

    Ces non-baisers répètent à l’envi, à longueur d’écran, et au-delà de la simple pudibonderie, qu’un interdit frappe l’échange de salive. C’est pourquoi, quelque chose, ce baiser, qui n’a pas encore commencé d’exister cesse dans le même temps définitivement d’exister.

    Autant dire qu’il n’a accès à aucune temporalité. Il est donc dans son genre un modèle de perfectif.

     

     

    Konarâk - Faire jaillir le feu - photo Françoise Manse

    Konarâk - Faire jaillir le feu - photo Françoise Manse

    Que ces non-baisers ne soient pas une affaire de pudibonderie, vous en étiez convaincu aisément en contemplant les enceintes des temples de Khajuraho ou de Konakrak.

    Sur ces fresques, depuis des siècles, des dieux et des déesses s’ébattent, avec des combinaisons qui défient l’imagination et les lois de la pesanteur.

    Mais déjà vous aviez pu contempler ces non-baisers qui cette fois ne brûlent pas la pellicule mais la pierre elle-même, et qui la font, pour ainsi dire trembler. Là encore l’échange de salive semble proscrit.

    Par contre, sur certaines d’entre elles, alors que les bouches se tendent l’une vers l’autre jusqu’à l’impossible, la main qui prolonge un joli bras rond tient hardiment le membre de son partenaire comme pour désigner ce qu’il convient de faire. À savoir faire jaillir la semence divine. Car c’est elle qui importe. Bien sûr, le plaisir prend une dimension sacrée, il figure sur des temples, mais il reste attaché à une finalité, celle de la reproduction.

     

    Ainsi, il vous semble bien qu’en Inde, sont clairement désignées les substances illicites impropres à l’échange et à la fertilité, la sueur et la salive et que sont mises en avant, celles qui favorisent cette fertilité, la matière fécale et le sperme.

    Toute une idéologie de la fertilité, donc, qui fonctionne depuis des millénaires et qui finalement portent ses fruits. L’Inde ne sera-t-il pas, très prochainement, le pays le plus peuplé de la planète ?

    Khajuraho - Émulations - photo Françoise Manse

    Khajuraho - Émulations - photo Françoise Manse

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    Réflexions solitaires

    8 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Les trains que nous prenons

    Cet air vague qui va si bien aux jeunes amants des bords de mer - photo Gérard Dubois.

    Cet air vague qui va si bien aux jeunes amants des bords de mer - photo Gérard Dubois.

     

     

    Alors, très dépité par vos mésaventures, il ne vous reste plus qu’à revenir à vos réflexions solitaires.

    Il y a une discipline sportive qui est une métaphore appropriée pour rendre compte du passage des générations, donc du processus qu’on désigne sous le nom de fertilité.

    Le 4x100 en est un bon exemple, le coureur qui s’élance semble échanger sa vitesse avec le coureur précédent durant une distance limitée qui symbolise bien la période durant laquelle deux générations se côtoient. 

    Qu’une génération passe le témoin à la génération suivante est d’ailleurs une expression courante qui renvoie bien à la course de relais.

     

    La fertilité pourrait être synonyme de l’échange, puisqu’elle est l’émergence, la prolifération et le continu de la vie toujours porté à son point de rupture jamais atteint. Hors le langage, elle pourrait même figurer l’échange maximal.

    Elle est parfaitement imperfective.

    Peu importe les temps immémoriaux depuis lesquels elle est agissante. Les représentations de l’origine de la vie peuvent bien s’enraciner dans les mythes et le sacré, une chose est sûre, le passage des générations a eu lieu. La génération actuelle et le temps où nous sommes en témoignent, ils en sont les preuves vivantes et toujours réactualisées.

    De ce point de vue, croire en une divinité de la fertilité est une chose rationnelle qui relève de la simple expérience.

     

    La fertilité active deux échanges, d’une part l’homme et la femme qui échangent les composants nécessaires à la reproduction et d’autre part l’échange des générations.

    Deux types d’interdits portent sur ces deux échanges.

    Des interdits sur les conditions de l’échange, c’est-à-dire tout ce qui a trait aux choix possibles ou interdits concernant le partenaire. Ils sont innombrables et varient en fonction des cultures.

    Des interdits sur le principe de l’échange. Ainsi l’inceste qui introduit la confusion et non plus l’échange des générations. Un père incestueux engendrera un enfant dont il sera à la fois le père et le grand-père. L’inceste transgresse donc directement le principe même de l’échange.

     

    Mais l’interdit pourra aussi porter sur un groupe d’individus soumis à la non-fertilité. Un groupe sacerdotal sur lequel pèse l’interdit de l’échange sexuel renvoie a contrario à un culte de la fertilité. Il est un point de fixation et en évoluant dans un temps immobile qui est celui de l’unité, il autorise l’échange sexuel qui lui introduit la dissémination, le multiple dans le monde.

    Un groupe sacerdotal de ce type est éminemment perfectif. Il est le refoulé incarné de la fertilité. Un interdit qui s’est fait chair, garant de sa propre pureté, il peut garantir la pureté de l’échange qu’il autorisera. Parce que justement un échange dont il est avéré qu’il respecte tous les interdits qui pèsent sur lui est un échange également pur, idéal.

    L’interdit signale l’échange, il n’est pas toujours lointain par rapport à celui-ci, et pour le garantir, on le trouve souvent à son chevet comme témoin obligé. Dans la course de relais, si une équipe de coureurs laisse tomber le témoin, la course s’arrête pour eux. Ils sont disqualifiés puisque l’échange n’a pas eu lieu. Alors, laisser tomber le témoin, c’est aussi ce qui est interdit.

    L’interdit dans la mesure où il s’incarne se change en quelque chose qui peut sembler son contraire, à savoir le témoin, et du coup, il finit par être celui qui rend possible l’échange. Le célébrant.

    Dans le mariage catholique tel qu’il se pratique encore aujourd’hui, les deux fonctions sont séparées. La fonction de témoin est donnée à des laïcs, le prêtre est le célébrant.

     

    Finalement le groupe sacerdotal s’immisce dans l’échange. Une immixtion qui est logique dans la structure de cet échange, mais qui n’est pas nécessaire. Bien des sociétés ne connaissent pas ce groupe dont le célibat semble le désigner presque exclusivement à la préservation du principe de fertilité.

    Et il vous apparaît que ce n’est pas par hasard si la modernité, cet art de la rupture, s’est attaquée à cette absence de nécessité, le point faible de cet échange, en cherchant à l’évacuer. Mais la modernité ne s’est pas arrêtée à la remise en cause de l’échange sexuel tel qu’il était pratiqué antérieurement en prônant par exemple le mariage ou l’union libre, elle s’en est pris au principe de fertilité lui-même en la contrôlant, et dans un large mesure, elle est parvenue à ses fins.

     

     

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    Ordre et désordre

    8 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Les trains que nous prenons

    Vatican & KremlinVatican & Kremlin

    Vatican & Kremlin

     

    Là encore, un échange a lieu. Un groupe d’individus assure ordre, protection et sécurité à un autre groupe en échange de sa soumission. Dans celui-ci, l’interdit sera le désordre, parce que s’il apparaît, c’est l’échange qui n’a plus de raison d’être, il disparaît. Au fond, c’est tout bête, mais l’interdit d’un échange n’est rien d’autre que le contraire de ce dernier.

    Dans ce schéma, le groupe dirigeant s’arroge, comme on dit, le monopole de la violence puisqu’avec cette violence il peut faire respecter l’ordre aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. À la différence du schéma de la fertilité, le groupe dirigeant s’identifiant à l’interdit est partie prenante dans l’échange. Il en est un des acteurs, d’où sa légitime nécessité. Le groupe sacerdotal, lui, vous y avez déjà fait allusion, fait irruption dans l’échange. Il s’y trouve en tierce position. Sa présence est possible dans la structure, mais elle n’est pas nécessaire, d’où une légitimité flottante. Vous noterez que souvent les religions qui ne font pas porter sur un groupe d’hommes l’interdit de la non-fertilité ne constituent pas un clergé clairement identifiable, mais dégagent simplement un agrégat d’individus qui ne tiennent leur légitimité que d’eux-mêmes.

     

    Mais lorsque ces deux groupes commencent à incarner l’interdit qui conditionne l’objet de l’échange, à savoir la non-fertilité et la violence, ils s’isolent du reste de la société. Ils acquièrent une unité qui leur est propre, et qui pour le groupe dirigeant sera figurée par le monde clos des palais entourés d’épaisses murailles, censé aussi protéger d’une temporalité quelconque pour viser le hors-temps de l’éternité.

    Ce qui se cache derrière les épaisses murailles, cette unité de principe, ce sont les aléas des luttes de clans, les querelles de dévolution et les changements dynastiques. Toute une violence qui doit rester secrète, à l’abri du regard de la société.

    Le paradoxe de la classe dirigeante, conséquence directe de l’échange qui l’a porté au pouvoir, est donc d’incarner l’interdit du désordre et dans le même temps de représenter l’ordre. Pour sortir de cette contradiction, ses modalités d’apparition seront le faste et la munificence. Il est soumis à l’impératif du masque.

    Dans la civilisation romaine, on parle de l’otium. Un lieu qui occupe le centre, c’est-à-dire le pouvoir, et qui est celui de l’oisiveté. Celle-ci doit faire illusion, elle doit donner à penser que le calme règne aussi et surtout pour ceux qui ne sont pourtant que le produit de la transgression de l’interdit du désordre.

    Il s’agit donc d’un monde qui se constitue à partir d’un échange fondateur et dont le mode de fonctionnement interne sera, très souvent, le changement agonique.

     

    Là où il y a incarnation d’un interdit, on trouve le secret. C’est toujours vrai de nos jours.

    Lorsqu’on découvre l’étendue des pratiques pédophiles dans les milieux ecclésiastiques catholiques, (pratiques qui remontent très certainement à des temps bien plus anciens que ceux depuis lesquels on a fait mine de les découvrir), c’est-à-dire des pratiques qui transgressent le vœu de chasteté, l’Église romaine n’aura de cesse, jusqu’à ce qu’elle soit obligée de céder sous la pression des opinions, de les dissimuler.

    Et pourtant, il s’agit d’un double scandale, d’une part l’acte pédophile lui-même, mais dont se rendent coupables des personnes censées garantir le principe de fertilité, à savoir tout ce qui rend possible l’échange des générations, en particulier du point de vue de la protection et de l’intégrité des jeunes générations.

    Des pratiques, donc, qui remettent en cause, tout ce sur quoi se fondent justement cette Église. On comprend alors cette stratégie du secret qui est en fait bien plus qu’une stratégie, mais qui est consubstantielle à cette institution et qu’une autre logique venue d’un autre horizon soit nécessaire pour la faire plier, pour percer ce secret et tenter d’en venir à bout.

     

    En ce qui concerne cette question du secret, vous pensez également à ces régimes politiques apparus au vingtième siècle. Dans les régimes communistes, là aussi, le secret était la règle. L’unité devait régner au sein des instances du pouvoir. Jusqu’à la période stalinienne, les agents de la discorde étaient purement et simplement éliminés, ce qui simplifiait les problèmes.

    Plus tardivement, lorsque des clans ont pu se constituer, cela nécessitait l’expertise de spécialistes capables d’identifier ces clans, de comprendre leurs objectifs, de rendre compte des déplacements de rapports de force entre eux. Seuls des spécialistes des affaires soviétiques étaient à même de rendre compte des secrets qui se dissimulaient derrière les hautes murailles du Kremlin. Dans les années soixante, à l’intérieur de cette enceinte, un palais de verre avait été construit pour abriter le Soviet Suprême. Il était censé mettre un terme à cette opacité, il ne s’agissait bien sûr que d’une transparence de surface.

    Tout ceci s’applique toujours, d’ailleurs, au régime chinois actuel, toujours  appelé communiste.

     

    photo - Lucien Frizzi

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    Toute honte bue

    7 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Toute honte bue, #Considérations spinoziennes, #Marcel Proust

    Un ciel sans nuage par-dessus les tours - photo Christophe Eloy

    Un ciel sans nuage par-dessus les tours - photo Christophe Eloy

     

    La honte : ce qu'ils en disent.

     

    - Qu'y a-t-il pour toi de plus humain ?

    - Épargnez la honte à quelqu'un.

    (Nietzsche - le Gai Savoir, Livre III, para. 274) 

     

    Pour Spinoza, la honte est un affect dérivé d'un des trois fondamentaux, à savoir la tristesse, (les deux autres étant le désir et la joie). La honte est une tristesse accompagnée d'une cause intérieure, à savoir soi-même. En ce sens, elle est une sorte de haine inversée, puisque celle-ci est une tristesse accompagnée d'une cause extérieure, et qui en retour se dirige vers cette chose extérieure. 

    La honte sera donc une forme de haine de soi. Elle vient de soi et retourne vers soi.

    Si on a fait quelque chose qu'on imagine affecter les autres de tristesse et avoir mérité ainsi d'être blâmé par eux, on se considérera soi-même avec tristesse, pour cette tristesse faite à autrui.

    La modalité qui détermine la honte est l'imitation. Elle pose un cadre général, c'est-à-dire si un individu que j'imagine semblable à moi est triste, ceci me rendra triste à mon tour, parce que je vais imiter sa tristesse, (même si je n'ai aucune affection particulière pour ce quelqu'un), or avec la honte, comme on vient de le voir, la cause de la tristesse d'autrui n'est pas extérieure puisque j'imagine que c'est moi qui en est la cause. 

    La honte me fait imiter la tristesse d'un individu, alors même que je m'imagine être la cause de sa tristesse. Il y a là, avec la honte, un effet-écho amplificateur pour ma propre tristesse

    (Spinoza, à partir d'Éthique III, prop. 30 et scolie).

     

    « Par ce commerce avec l'infini de l'extériorité, la naïveté de l'élan direct, la naïveté de l'être qui s'exerce comme une force qui va, a honte de sa naïveté. Elle se découvre comme une violence. »

    (Levinas , Totalité et infini p.186).

     

    Deleuze disait que celui qui n'a pas honte d'être un homme n'a rien à dire en tant qu'artiste.

    Dans notre vie quotidienne, il y a des événements minuscules qui nous inspirent une petite honte d'être un homme. On assiste à une scène où quelqu'un est un peu trop vulgaire. On est gêné pour lui, on est gêné pour soi aussi parce que, par notre seule présence, on a l'air d'accepter cette situation affligeante.

    Mais protester, ce serait faire un drame d'une chose insignifiante. On est piégé dans une sorte de compromis avec le réel.

    La honte est donc la traversée de cette vulgarité, celle des autres mais aussi la sienne. Il est nécessaire de la ressentir pour entrer en résistance. Et entrer en résistance passe par la création artistique et conceptuelle. Sans l'art et la philosophie, on n'imagine pas la bêtise, la vulgarité dans laquelle les gens se vautreraient.

     

    Thomas Bernhard a dit – Il y a deux âges vraiment essentiels dans la vie. Celui de l'enfant qui s'empare du langage, et pour qui le monde advient à une vitesse qu'il ne peut contrôler et celui de l'adolescent qui prend conscience d'un désir dont jusqu'alors il ne soupçonnait pas la force. 

    Ce sont les âges des grandes découvertes, de l'intensité maximale et des plus grands périls où la honte guette à chaque pas. Et l'écrivain autrichien concluait : « Tout le reste de la vie est littérature », c'est-à-dire répétition et affadissement .

     

    « Le point où l'on se trouve par rapport au désir fait naître autour de soi les scandales, force à prendre la vie sérieusement, à mettre des émotions dans le plaisir, empêche de s'arrêter, de s'immobiliser dans une vie ironique et extérieure des choses, rouvre sans cesse en soi un courant douloureux. Presque chaque fois que le désir adresse une déclaration, il essuie une avanie, qui pourra bien entraîner jusqu'à la prison. 

    Ce n'est pas que l'éducation des enfants, c'est celle des poètes qui se fait aussi à coups de gifles.» 

    (Proust, le Temps retrouvé)

     

     

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