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éloge de la mollesse

Réflexions solitaires

8 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Les trains que nous prenons

Cet air vague qui va si bien aux jeunes amants des bords de mer - photo Gérard Dubois.

Cet air vague qui va si bien aux jeunes amants des bords de mer - photo Gérard Dubois.

 

 

Alors, très dépité par vos mésaventures, il ne vous reste plus qu’à revenir à vos réflexions solitaires.

Il y a une discipline sportive qui est une métaphore appropriée pour rendre compte du passage des générations, donc du processus qu’on désigne sous le nom de fertilité.

Le 4x100 en est un bon exemple, le coureur qui s’élance semble échanger sa vitesse avec le coureur précédent durant une distance limitée qui symbolise bien la période durant laquelle deux générations se côtoient. 

Qu’une génération passe le témoin à la génération suivante est d’ailleurs une expression courante qui renvoie bien à la course de relais.

 

La fertilité pourrait être synonyme de l’échange, puisqu’elle est l’émergence, la prolifération et le continu de la vie toujours porté à son point de rupture jamais atteint. Hors le langage, elle pourrait même figurer l’échange maximal.

Elle est parfaitement imperfective.

Peu importe les temps immémoriaux depuis lesquels elle est agissante. Les représentations de l’origine de la vie peuvent bien s’enraciner dans les mythes et le sacré, une chose est sûre, le passage des générations a eu lieu. La génération actuelle et le temps où nous sommes en témoignent, ils en sont les preuves vivantes et toujours réactualisées.

De ce point de vue, croire en une divinité de la fertilité est une chose rationnelle qui relève de la simple expérience.

 

La fertilité active deux échanges, d’une part l’homme et la femme qui échangent les composants nécessaires à la reproduction et d’autre part l’échange des générations.

Deux types d’interdits portent sur ces deux échanges.

Des interdits sur les conditions de l’échange, c’est-à-dire tout ce qui a trait aux choix possibles ou interdits concernant le partenaire. Ils sont innombrables et varient en fonction des cultures.

Des interdits sur le principe de l’échange. Ainsi l’inceste qui introduit la confusion et non plus l’échange des générations. Un père incestueux engendrera un enfant dont il sera à la fois le père et le grand-père. L’inceste transgresse donc directement le principe même de l’échange.

 

Mais l’interdit pourra aussi porter sur un groupe d’individus soumis à la non-fertilité. Un groupe sacerdotal sur lequel pèse l’interdit de l’échange sexuel renvoie a contrario à un culte de la fertilité. Il est un point de fixation et en évoluant dans un temps immobile qui est celui de l’unité, il autorise l’échange sexuel qui lui introduit la dissémination, le multiple dans le monde.

Un groupe sacerdotal de ce type est éminemment perfectif. Il est le refoulé incarné de la fertilité. Un interdit qui s’est fait chair, garant de sa propre pureté, il peut garantir la pureté de l’échange qu’il autorisera. Parce que justement un échange dont il est avéré qu’il respecte tous les interdits qui pèsent sur lui est un échange également pur, idéal.

L’interdit signale l’échange, il n’est pas toujours lointain par rapport à celui-ci, et pour le garantir, on le trouve souvent à son chevet comme témoin obligé. Dans la course de relais, si une équipe de coureurs laisse tomber le témoin, la course s’arrête pour eux. Ils sont disqualifiés puisque l’échange n’a pas eu lieu. Alors, laisser tomber le témoin, c’est aussi ce qui est interdit.

L’interdit dans la mesure où il s’incarne se change en quelque chose qui peut sembler son contraire, à savoir le témoin, et du coup, il finit par être celui qui rend possible l’échange. Le célébrant.

Dans le mariage catholique tel qu’il se pratique encore aujourd’hui, les deux fonctions sont séparées. La fonction de témoin est donnée à des laïcs, le prêtre est le célébrant.

 

Finalement le groupe sacerdotal s’immisce dans l’échange. Une immixtion qui est logique dans la structure de cet échange, mais qui n’est pas nécessaire. Bien des sociétés ne connaissent pas ce groupe dont le célibat semble le désigner presque exclusivement à la préservation du principe de fertilité.

Et il vous apparaît que ce n’est pas par hasard si la modernité, cet art de la rupture, s’est attaquée à cette absence de nécessité, le point faible de cet échange, en cherchant à l’évacuer. Mais la modernité ne s’est pas arrêtée à la remise en cause de l’échange sexuel tel qu’il était pratiqué antérieurement en prônant par exemple le mariage ou l’union libre, elle s’en est pris au principe de fertilité lui-même en la contrôlant, et dans un large mesure, elle est parvenue à ses fins.

 

 

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