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éloge de la mollesse

Situation du scatologique en Inde et autres considérations

8 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Les trains que nous prenons

Khajuraho - Orchestre et danseuse - photo Françoise Manse

Khajuraho - Orchestre et danseuse - photo Françoise Manse

 

 

Pour en revenir au départ de votre réflexion, le scatologique. Il s’établit clairement qu’il relève du perfectif. Mais si on retourne en Inde, sa situation paraît sensiblement différente.

Là-bas, il n’est pas rare de voir au bord des routes, des voies ferrées, sur les plages, des gens s’accroupir Dans certaines villes, des égouts à ciel ouvert, larges comme des rivières dégagent leur odeur pestilentielle.

On sait que la pureté du Gange n’est pas en rapport avec le nombre de bactéries absentes dans chaque centilitre d’eau.

Si l’on ajoute ces larges plateaux de bouses, fraîches et bien épaisses, qui jalonnent les rues des cités indiennes, le voyageur a rapidement dans l’idée que dans ce pays la fonction fertilisante de la matière en question est plus mise en avant que l’interdit qui pèse éventuellement sur elle.

En Inde, le scatologique est toujours un objet sur lequel se portent les regards, qui sollicite à ses dépends l’odorat. Il n’est pas rejeté hors du temps mais bien présent au quotidien. Bref en Inde, le scatologique, comme beaucoup d’autres objets, se conjuguent à l’imperfectif.

 

La matière brune subit donc un sort qu’on pourrait dire plus favorable là-bas que dans nos contrées. Vous n’en diriez pas autant des matières blanches sécrétées par le corps. On connaît l’interdit qui pèse sur l’échange de sueur.

La civilisation indienne a construit un système social d’une extrême complexité pour prescrire à un individu qui il peut toucher et qui il ne peut pas toucher. Les structures familiales et professionnelles se sont organisées autour de cet interdit.

Toute la hiérarchie sociale s’organise pour exclure celui qui est à la fois intouchable et intouchant. Elle prend tout son sens à partir de ce hors-caste. C’est-à-dire celui qu’elle a mis en opposition avec elle.

La foule indienne, cette multitude qui s’agite dans tous les sens est aussi une foule dans laquelle, incroyablement, on ne se touche pas.

 

Mais il y a une deuxième sécrétion corporelle, également blanche, qui dans cet univers, ne s’échange pas. Les films bollywoodiens en fournissent un bon exemple. Vous-même êtes friand de ces scènes où les amants se consument dans des non-baisers qui leur brûlent les lèvres, comme si un voile invisible était tendu entre leurs deux visages.

Ces non-baisers répètent à l’envi, à longueur d’écran, et au-delà de la simple pudibonderie, qu’un interdit frappe l’échange de salive. C’est pourquoi, quelque chose, ce baiser, qui n’a pas encore commencé d’exister cesse dans le même temps définitivement d’exister.

Autant dire qu’il n’a accès à aucune temporalité. Il est donc dans son genre un modèle de perfectif.

 

 

Konarâk - Faire jaillir le feu - photo Françoise Manse

Konarâk - Faire jaillir le feu - photo Françoise Manse

Que ces non-baisers ne soient pas une affaire de pudibonderie, vous en étiez convaincu aisément en contemplant les enceintes des temples de Khajuraho ou de Konakrak.

Sur ces fresques, depuis des siècles, des dieux et des déesses s’ébattent, avec des combinaisons qui défient l’imagination et les lois de la pesanteur.

Mais déjà vous aviez pu contempler ces non-baisers qui cette fois ne brûlent pas la pellicule mais la pierre elle-même, et qui la font, pour ainsi dire trembler. Là encore l’échange de salive semble proscrit.

Par contre, sur certaines d’entre elles, alors que les bouches se tendent l’une vers l’autre jusqu’à l’impossible, la main qui prolonge un joli bras rond tient hardiment le membre de son partenaire comme pour désigner ce qu’il convient de faire. À savoir faire jaillir la semence divine. Car c’est elle qui importe. Bien sûr, le plaisir prend une dimension sacrée, il figure sur des temples, mais il reste attaché à une finalité, celle de la reproduction.

 

Ainsi, il vous semble bien qu’en Inde, sont clairement désignées les substances illicites impropres à l’échange et à la fertilité, la sueur et la salive et que sont mises en avant, celles qui favorisent cette fertilité, la matière fécale et le sperme.

Toute une idéologie de la fertilité, donc, qui fonctionne depuis des millénaires et qui finalement portent ses fruits. L’Inde ne sera-t-il pas, très prochainement, le pays le plus peuplé de la planète ?

Khajuraho - Émulations - photo Françoise Manse

Khajuraho - Émulations - photo Françoise Manse

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