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éloge de la mollesse

Syllogisme à la Françoise

20 Septembre 2016 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #En bref

 

Si a = b

et b = c

alors a = c

 

- Tous les gens que je connais sont des gens bien,

or il se trouve que tous les gens bien sont des gens de gauche,

donc tous les gens que je connais sont des gens de gauche. 

 

 

 

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Qu'il soit maudit la nuit...

16 Septembre 2016 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Considérations spinoziennes

La nuit - photo Gérard Dubois

La nuit - photo Gérard Dubois

" Qu'il soit maudit le jour, qu'il soit maudit la nuit...".  C'est beau comme du Shakespeare. Et c'est avec ces mots que Baruch de Spinoza est exclu de la communauté israëlite d'Amsterdam, le 17 juillet 1656. Qui ne rêverait d'être exclu de la sorte d'une quelconque communauté religieuse ? Ce herem (exlusion) ne manque pas d'allure vraiment.
Malgré la violence du propos, Spinoza ne semble pas avoir beaucoup été affecté par cet événement. Il n'a pas encore 24 ans lors de ce banissement. Aucun de ses ouvrages n'est publié ni même achevé. Et pourtant on lui reproche déjà d'être sur la mauvaise voie, de pratiquer et d'enseigner d'horribles hérésies, de commettre des actes monstrueux. Tout cela étant attesté par de nombreux témoins dignes de foi.

Spinoza est donc exclu du monde religieux. Ce qui ne va pas l'empêcher de pratiquer à son encontre une forme d'entrisme en prenant nombre de notions du dogme religieux pour les retourner à son usage.
À commencer bien sûr par Dieu lui-même. Le Dieu de Spinoza, c'est-à-dire une substance, une nature, est considéré par ses contemporains, comme un dieu pour philosophes,  une dieu pour athées, (l'ironie étant que maintenant, on lui reproche d'avoir maintenu l'idée de Dieu).
Mais d'autres idées religieuses passent également à sa moulinette - celles d'éternité, de joie, de béatitude, d'amour...
En fait, il s'agit pour lui de marcher sciemment sur les plates-bandes de la religion pour ne pas lui laisser le champ libre. Notamment par cet entrisme, il vide les dogmes traditionnels de leur substance pour les rendre disponibles à une religion vraie, une religion philosophique fondée sur la Raison et la Connaissance.

 

Mais voici le texte du herem de Spinoza :

(...)  tout cela ayant été examiné en présence de Messieurs les Hahamim, les Messieurs du Mahamad décidèrent avec l'accord des rabbins que ledit Spinoza serait exclu et écarté de la Nation d'Israël à la suite du hérem que nous prononçons maintenant : 

 

A l'aide du jugement des saints et des anges, nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch de Spinoza avec le consentement de toute la sainte communauté en présence de nos saints livres et des six cent treize commandements qui y sont enfermés. Nous formulons ce hérem comme Josué le formula à l'encontre de Jéricho. Nous le maudissons comme Élie maudit les enfants et avec toutes les malédictions que l'on trouve dans la Loi. Qu'il soit maudit le jour, qu'il soit maudit la nuit ; qu'il soir maudit pendant son sommeil et pendant qu'il veille. Qu'il soit maudit quand il sort de chez lui et qu'il soit maudit quand il rentre chez lui. Veuille l'Éternel ne jamais lui pardonner. Veuille l'Éternel allumer contre cet homme toute Sa colère et déverser sur lui tous les maux mentionnés dans le livre de la Loi : que son nom soit effacé dans ce monde et à tout jamais et qu'il plaise à Dieu de le séparer de toutes les tribus d'Israël en l'affligeant de toutes les malédictions que contient la Loi. Et vous qui restez attachés à l'Éternel, votre Dieu, qu'Il vous conserve en vie.

Sachez que vous ne devez avoir avec Spinoza aucune relation ni écrite ni verbale. Qu'il ne lui soit rendu aucun service et que personne ne l'approche à moins de quatre coudées. Que personne ne demeure sous le même toit que lui et que personne ne lise aucun de ses écrits." 

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Critique des preuves de l'existence de Dieu

15 Septembre 2016 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Considérations spinoziennes

photo - Sylvie Paponnet

photo - Sylvie Paponnet

 

À juste titre, on a produit une critique ontologique des preuves de l'existence de Dieu. Kant en serait le principal artisan. Cette critique pourrait se formuler ainsi : 
"Dieu étant parfait il possède toutes les qualités dont celle de l'existence. Donc Dieu existe".
Ou encore quand on dit "Dieu est parfait" on suppose déjà implicitement son existence puisqu'on lui attribue la qualité de perfection.

En fait ces preuves de l'existence de Dieu, telles qu'elles sont énoncées ici se résumerait à de simples définitions.
Le Dieu de Spinoza n'échapperait pas à cette critique. Il serait un être purement conceptuel qui ne devrait son existence qu'à des propositions, démonstrations, corollaires et autres scolies. Son Dieu-Univers ne serait rien d'autre qu'un être de papier.

 

Pourtant, la philosophie de Spinoza propose une nature, certes infinie, mais intelligible et connaissable, là où l'esprit humain veut bien se focaliser, avec ses lois rationnelles et déterminées qui permettent justement l'observation et l'expérimentation.
À ce titre, c'est une philosophie qui fait bien plus que résister à la science contemporaine. Elle continue à exercer une puissance heuristique qui offre un cadre interprétatif aux faits observés.
Einstein, lui, croyait au Dieu de Spinoza pour la simple raison qu'il nous mettait en présence d'un univers intelligible.

 

Du coup, on peut tout de même se demander si la critique kantienne des preuves ontologiques de l'existence de Dieu ne s'arrête pas devant la conception moniste du divin chez Spinoza; laquelle identifie créateur et création dans une seule et même substance.
Ce qui fait un dieu singulier, très différent des monothéismes traditionnels. Ce ne serait pas étonnant. Avec ceux-ci, le créateur est extérieur à sa création. Il s'en est absenté. C'est donc logiquement qu'il faut rechercher les preuves de son existence puisqu'il n'est pas là. Or avec Spinoza, l'unité créateur / création est cause d'elle-même. Dieu est cause de toutes choses au même sens que cause de soi (I, 25,sc). Parce que s'il est cause de soi, il est nécessairement cause de toutes choses. Il produit comme il existe. Alors, l'existence de la création ne donne-t-elle pas l'existence du créateur sans autre forme de procès ?

 

 

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Un dieu indifférent ?

14 Septembre 2016 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Considérations spinoziennes

photo - Sylvie Paponnet

photo - Sylvie Paponnet

Khalil Gibran a dit.... : «  Et si vous voulez connaitre Dieu, ne vous posez pas en interprète d'énigmes.
Regardez plutôt autour de vous et vous le verrez, jouant avec vos enfants.
Et regardez vers l'espace, vous le verrez marchant sur un nuage, les bras ouverts au milieu des éclairs et descendant en pluie.

Vous le verrez souriant parmi les fleurs, puis se levant et agitant ses mains dans les arbres. »

 

Qu'aurait pensé Spinoza de ce texte de Khalil Gibran à la gloire de Dieu. Il aurait sans doute apprécié le début " Et si vous voulez connaitre Dieu, ne vous posez pas en interprète d'énigmes". Mais pour la suite ce dieu trop à l'image de l'homme avec des bras et des mains lui aurait déplu.  

On peut toujours parler de Dieu d'une façon moins anthropomorphique, par exemple, on dira qu'il est dans chaque poussière d'étoile, dans chaque astéroïde ; celui qui va s'écraser sur notre planète et arrêter la vie pendant plusieurs millénaires voire même à tout jamais, ou encore celui qui va faire en sorte de l'éviter en passant au large, à quelques centaines de milliers de kilomètres.

Le Dieu de Spinoza est un dieu d'amour, ou plus précisément un dieu aimé /aimant. Mais aussi l'indifférence fait partie intégrante de la substance divine. Il  partage cette indifférence avec les dieux d'Épicure. Il ne faut pas l'entendre dans un sens négatif. Elle marque sa toute-puissance. Notamment il est cause de tous les corps en mouvement dans l'univers. Il réalise tous les possibles dans une seule réalité. Ainsi ne se pose pas pour lui la question de la volonté et du choix qui ferait de lui un être en puissance. Son indifférence est juste une question de nécessité. Pour que toute chose ait lieu.

 

Il s'ensuit qu'un corps en mouvement a été déterminé par un autre corps en mouvement, qui lui-même a été affecté par un autre corps en mouvement et ainsi à l'infini.

De la même façon pour les objets de la pensée. Une idée pousse l'autre qui elle-même va en déterminer une autre et ainsi à l'infini.

 

Il faut une foi véritable pour penser que l'on peut comprendre les lois de l'univers, qu'elles sont intelligibles. Au contraire, ce sont ceux qui croient aux miracles, aux énigmes, aux choses sans cause naturelle, à l'irrationnel, qui sont athées puisqu'ils ne croient pas à un dieu connaissable.

 

 

 

 

 

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L'homme est un dieu pour l'homme

8 Septembre 2016 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Considérations spinoziennes, #L'individu et la société

Venus on the beach - photo Gérard Dubois

Venus on the beach - photo Gérard Dubois

 

Contre le trop célèbre "l'homme est un loup pour l'homme", il y a le magnifique "l'homme est un dieu pour l'homme" de Spinoza, qui figure dans un non moins magnifique texte de son Éthique : (corrolaire et scolie de la proposition 35, partie 5).

(...) " C'est lorsque les hommes vivent sous la conduite de la Raison qu'ils s'accordent le mieux par nature. Donc les hommes sont le plus utiles les uns aux autres lorsque chacun cherche avant tout le plus utile qui est le sien.

L'expérience même l'atteste chaque jour partout de si clairs témoignages que presque tout le monde dit que l'homme est un dieu pour l'homme. Pourtant il est rare que les hommes vivent sous la conduite de la Raison; mais c'est ainsi : les hommes sont pénibles et envieux les uns aux autres. Il n'empêche, ils ne peuvent guère passer leur vie tout seul et de fait, à la société commune des hommes, il y a bien plus de commodités que de dommages, de sorte que la plupart se plaisent à la définition de l'homme comme animal politique.
Que les Satiriques rient donc autant qu'ils veulent des choses humaines, que les Théologiens les détestent, et que les Mélancoliques louent, tant qu'ils peuvent, la vie inculte et sauvage, qu'ils méprisent les hommes et admirent les bêtes : les hommes n'en feront pas moins l'expérience qu'ils peuvent beaucoup plus aisément se procurer par un mutuel secours ce dont ils ont besoin, et qu'ils ne peuvent éviter que par l'union de leurs forces les dangers qui les menacent de partout."

L'éthique, Spinoza, idées nrf, Gallimard, traduction Roland Cailloix, p.275, 276.


 

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L'éternité, ici et maintenant

7 Septembre 2016 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Considérations spinoziennes, #au regard de l'éternité

Le ciel n'attend pas - photo Gérard Dubois

Le ciel n'attend pas - photo Gérard Dubois

 

Si, pour Spinoza, nulle chose ne porte en elle le germe de sa destruction et s'il ne peut y avoir dans le sujet des choses de nature contraire parce que dans ce cas quelque chose pourrait le détruire, alors "nulle chose n'a rien en soi qui la puisse détruire et au contraire elle s'oppose à tout ce qui peut supprimer son existence" (L'éthique, III, 6, dém.)

Autant qu'elle le peut et selon sa puissance, cette chose s'efforce de persévérer dans son être et pour une durée indéfinie.
Ce qui veut dire que la mort vient toujours frapper de l'extérieur. Celle-ci est toujours une cause ou une détermination externe. Ainsi même pour la mort, il n'y a pas de liberté. On est bien plus suicidé qu'on ne se suicide.

Donc si cette cause externe était levée, l'éternité s'offrirait à nous. D'une certaine manière, elle est toujours possible, là à portée de main. Seulement voilà, au dernier moment, il y a généralement un hic. Le fini de l'existence, jusqu'à présent, n'a jamais manqué de faire valoir ses droits.
Cependant, on peut garder dans un coin de l'esprit qu'une éternité nous est strictement contemporaine bien qu'encore pour l'instant inatteinte par nos corps. "Strictement contemporaine", cela veut dire que cette éternité ne vient pas se placer dans la continuité d'une durée quelconque, par exemple après la vie. Et du coup l'actualité des choses se concevra à la fois sous la manière du temps mais aussi sous un regard d'éternité.

C'est pourquoi s'imaginer immortel, malgré les démentis incessants de la réalité, peut ne pas apparaître comme totalement insensé, même s'il convient de ne pas confondre immortalité et éternité.

 

 

 

 

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