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éloge de la mollesse

cinema

Ran (le chaos)

13 Octobre 2021 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Cinéma

 

- Ne blasphème pas les dieux et Bouddha,
Ce sont eux qui pleurent, détrompe-toi.
Ceux qui invariablement se vouent au mal,
perpétuant meurtre sur meurtre,

pensant ainsi assurer leur survie,
ne sont que le reflet de la bêtise humaine.
Même les dieux, même Bouddha,
ne nous préservent pas.

Ne pleure pas,
car le monde est ainsi fait.
Ce n'est pas la joie mais la peine
que cherche l'homme.

Regarde dans ce premier château, là-bas.
Des êtres stupides essaient de se dérober 
devant cette souffrance,
et ils s'entretuent, et ils s'en 
réjouissent.

 

 

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Blade Runner

3 Juin 2021 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Cinéma, #Considérations spinoziennes

de Ridley Scott, 1982

 Les Répliquants n'ont pas d'affectivité. Rien, aucune chose extérieure ne vient s'inscrire, s'imprimer, marquer le corps. Et par voie de conséquence, ils n'ont pas de mémoire.
Or le point d'entrée de l'homme, ce qui le constitue, pour Spinoza, c'est la mémoire. C'est par là qu'il commence.

 

 

 

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Tenet

2 Juin 2021 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Cinéma

de Christopher Nolan, 2020.

Quand l'avenir attaque le présent en faisant disparaître le passé pour mieux le prendre à rebours. Mais attention, le présent n'est pas en reste puisque qu'il peut se défendre en préservant le passé afin de  sauvegarder le futur.
Et oui, il suffisait d'y penser. Mais tout finit bien. Enfin je crois. Il m'a semblé.

 

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Duellistes un jour, Duellistes toujours

19 Décembre 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Considérations spinoziennes, #Cinéma

 

Les Duellistes (film de Ridley Scott de 1977 ) illustre bien la proposition 40 de Éthique III de Spinoza : 


" Qui imagine qu'un autre le hait et croit ne lui avoir donné aucun motif de haine, le haïra à son tour. "

 

Les Duellistes est l'histoire d'Hubert et de Feraud, deux officiers de l'armée napoléonienne qui vont poursuivre une querelle pendant vingt ans à travers toute l'Europe en se provoquant régulièrement en duel.

Au début, comme motif de haine, il n'y a presque rien. Dès leur première rencontre, Feraud provoque d'Hubert. Pourquoi s'irrite-t-il contre l'autre ? Une histoire de femme, une attitude un peu hautaine, ironique d'Hubert vis à vis de Feraud ou bien par haine de classe. Feraud voit son rival comme un officier d'état-major, c'est-à dire un planqué. Ce jugement reviendra à plusieurs reprises dans sa bouche. 

En tout cas, cette haine n'a pas une cause bien précise. Et on est bien dans ce principe spinozien pour lequel l'affect est premier et ce n'est que dans un second temps qu'il se donne un objet. Ce n'est pas parce que d'Hubert est mauvais ou détestable que Feraud le hait,. Mais d'abord, il y a cette haine en lui et ensuite elle se trouve un objet qu'elle s'imagine haïssable.

On sera donc en présence d'une double haine, une haine par réciprocation, c'est-à-dire que l'un se verra dans l'obligation de haïr l'autre, précisément parce qu'il est haï. 

 

Cette haine par réciprocation trouvera quand même sa résolution dans un ultime combat où d'Hubert tient Feraud à sa merci et où il l'épargne.

Pour clore toute cette affaire, il lui dit : "J'ai été soumis pendant toutes ces années à votre code de l'honneur. Désormais, vous vous considérerez dans votre relation à moi comme un homme mort."

Ce qui traduit dans la langue de Spinoza reviendrait à dire : Jusqu'à aujourd'hui, vous avez déterminé mon existence en tant que cause extérieure, mais maintenant en tant qu'homme mort, vous ne pourrez plus peser sur moi comme une cause extérieure, ce qui me délivre ipso facto de ces passions tristes, de votre haine à mon égard, et de celle que j'ai été contraint de vous retourner.

 

 

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Mon semblable.

19 Décembre 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Considérations spinoziennes, #Cinéma

 

 

Proposition XLVII

La joie qui naît de ce que nous imaginons qu'une chose que nous haïssons est détruite ou affecté d'un autre mal, ne naît pas sans quelque tristesse de l'âme.

 

Démonstration

Cela est évident car dans la mesure où nous imaginons qu'une chose semblable à nous est affectée de tristesse, (par imitation) nous sommes attristés.

 

Cette proposition vise à démontrer qu'au sein même des affects, dans leur champ propre, ceux-ci peuvent s'atténuer, s'équilibrer, se contrôler les uns par les autres. Ceci par l'imagination de similitude qui produit de l'imitation. Et sans passer par la Raison, mais simplement par les seuls mécanismes affectifs.

 

Et on peut appliquer, là aussi, la proposition 47 à nos duellistes.

Dans la haine qu'ils se portent l'un à l'autre, les deux personnages ne sont pas à égalité, pas sur le même plan.

Feraud est tout entier constitué par sa haine envers d'Hubert, à aucun moment, il ne le considère comme un semblable. Dans un des duels, où il sort plutôt vainqueur, il refuse de serrer la main de son adversaire, geste qui aurait terminé toute l'histoire ; où encore en pleine débacle de Russie, après avoir fait ensemble le coup de feu contre les Cosaques, il refuse une fiole d'alcool que l'autre lui tend. À cet instant, on note qu'il ne peut plus considérer d'Hubert comme un planqué de l'état-major puisqu'ils se retrouvent dans le froid de la débacle autour d'un bivouac. Pour autant, il se refuse toujours à faire de l'autre un semblable.

 

Pour d'Hubert, c'est différent. À plusieurs reprises, il tente de ramener Feraud à la similitude.

Après leur premier duel où Feraud a été blessé, il lui envoie son médecin. Et bien plus tard, au moment de la Restauration, il intervient auprès de Fouché pour que Feraud soit rayé de la liste des partisans de Napoléon condamnés à mort.

Et à chaque fois, il demande que l'autre ne soit pas informé de son intervention, comme pour ne pas en faire un obligé, c'est-à-dire un inférieur, un dissemblable.

Il essaie, malgré tout, d'ériger l'autre comme son semblable, pour sortir enfin du cycle de la haine, mais rien n'y fait. L'autre refuse obstinément de sortir de ce cycle.
D'Hubert, dans le duel ultime, où il tient Feraud à sa merci, choisit de ne pas le tuer, mais désormais il considérera son adversaire comme-mort, soit un définitivement non-semblable par rapport à lui, toujours-vivant. Et donc sortir ainsi du cycle de la haine qui l'a poursuivi pendant tant d'années.

 

Dans la dernière séquence, une silhouette, de dos, se découpe dans un crépuscule. Elle domine un paysage à la fois aquatique et terrestre. 

Avec sa taille moyenne, son chapeau bicorne et sa redingote, Feraud se confond avec son Empereur.

Et il y a l'idée de destins qui se superposent. Napoléon, aussi, a provoqué en duel toute l'Europe pendant quinze ans, pour au bout du compte, être laissé comme-mort à Sainte-Héléne.

 

Mais une dernière chose encore, peut-être que décréter la fin d'une existence avant son terme, revient-il à ramener cet autrui, par delà des différences irréductibles, à cette ultime similitude que nous avons tous en commun, à savoir notre finitude.

 

 

 

 

******

 

En Afrique, une certaine pratique de la justice consisterait à jeter un homme d'une barque quand il s'est rendu coupable d'homicide envers un ou plusieurs membres d'une même famille, et de laisser le choix à des personnes de la famille de ses victimes, soit de le laisser couler soit de le repêcher.

La propostion 47 de Éthique ne s'applique-elle pas là aussi ? 

Si la haine l'emporte, on laisse couler l'assassin. Mais si on parvient tout de même à le considérer comme un semblable, on ira peut-être le récupérer.

 

Dans ce cas, la morale africaine dit qu'on pourra faire le deuil des membres de sa famille assassinés.

 

 

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L'image viendra

19 Juillet 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Cinéma

 

Le livre d'image (2018)

 

" Une image n'est pas forte parce qu'elle est brutale et fantastique, mais parce que l'association des idées est lointaine et juste."

Pierre Reverdy cité par J.L. Godard

 

Avec Godard Jean-Luc, on a l'impression que la vérité est tellement banale qu'elle mérite d'être brouillée à tout instant ; au point qu'il est nécessaire de la rendre incompréhensible pour lui redonner du mystère.

C'est une idée qui me plaît mais avec laquelle je suis plutôt en désaccord.

Tout ce petit jeu avec la vérité m'amuse, je le trouve touchant, c'est quand même beaucoup de boulot, mais il m'agace aussi. 

Est-ce que la vérité n'est pas une chose suffisamment complexe pour ne pas s'amuser à la triturer dans tous les sens ? Est-ce que ça ne s'apparente pas à une perte de temps ?

Où alors peut-être que le temps et la vérité ne font pas bon ménage, que la vérité se moque absolument du temps et qu'elle peut être reporté à l'infini, (puisqu'elle est éternelle).

 

Mais il sait y faire, Godard Jean-Luc, il fait en sorte qu'on y croit toujours, jusqu'au bout, la vérité est là, elle va surgir de l'image qui vient, des mots à l'image en train d'être prononcés, et puis non, les sons, les images se chevauchent encore une fois, c'est encore remis à plus tard. Dans la seconde à venir, peut-être. L'image viendra. La Vraie Image.

 

 

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On n'est pas bien là

17 Avril 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #De la poésie, #Cinéma

 

 

- On n'est pas bien là, hein ?

Tu les sens, les coussins d'huile,

Sous ton cul,

Oléo-pneumatiques,

Mon petit bonhomme.

On n'est pas bien là, hein ?

Putain, merde, tu vois,

Quand on nous fait pas chier,

On se contente de joies simples.

Tu trouves pas que ça fait 

Tout de suite plus intime comme ça ?

- Qu'est-ce que vous me voulez ?

- Rien du tout

Peux plus contempler mon pognon, maintenant !

C'est pas coquet !

On n'est pas bien ?

- Si.

- Paisible, à la fraiche,

Décontracté du gland.

Et on bandera quand

on aura envie de bander.

 

 

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Truffaut en Inde

9 Mars 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Les trains que nous prenons, #Cinéma

 

 

Deux hommes viennent s’asseoir en face de vous. L’un plus âgé que l’autre.

─ Alors, qu’est-ce que tu as fait en Inde ?

─ En Inde, j’ai fumé des cigarettes.

Ah ! et j’oubliais, j’ai revu à la télévision un film de Truffaut, un Antoine Doinel. C’est toujours aussi formidable. Même plus. Ce qui est curieux. En France, j’aurais certainement changé de chaîne, mais là à cause de la distance, je l’ai regardé avec beaucoup de plaisir. Je riais à chaque réplique.

Pourquoi j’aurais changé de chaîne en France, c’est la question que tu me poses. À cause, je crois, d’une certaine forme de rapport au passé dans les films de Truffaut. Il le disait de cette manière : mon cinéma, c’est du présent qui regarde de l’imparfait. C’est-à-dire un passé qui n’est pas circonscrit, qui continue à agir dans le présent, en fait qui peut te sauter à la gueule à tout instant.

Par exemple, dans les deux Anglaises et le continent, le héros voit jouer dans un parc en France, des fillettes anglaises. Il se demande aussitôt si l’une d’elle ne serait pas la fille de la jeune femme qu’il a aimé vingt ans auparavant de l’autre côté de la Manche. Il veut aller interroger la petite rousse qui… Mademoiselle, ne seriez-vous pas la fille de… Il se ravise au dernier moment.

Ou encore Antoine rencontre une ex - comme on ne disait pas encore au début des années soixante - d’un film précédent. Tu vois, toujours du présent qui regarde cet imparfait surgissant.

Moi aussi, je guette des visages. J’ai souvent le sentiment que je vais rencontrer une ex, et dans la minute qui vient. Mais bordel, ça m’arrive jamais. Ou alors si, une fois, c’est arrivé. Je l’ai pas reconnue, dis donc.

─ C’est une chose qui se produit aussi dans un film de Truffaut. Adèle H.

─ Eh bien, l’Inde est comme un film de Truffaut. Du passé actif dans le présent. Et même, un empilement de passé. Depuis mon retour, je suis tombé sur un très beau documentaire, des images magnifiques sur Bénarès back in 1937. Ce qui ne va pas du tout. Il ne s’agit pas d’un retour mais à l’inverse from 1937. De, en provenance de 1937, comme un train indien qui entre en gare, péniblement certes, mais chargé de toute une histoire multi-décennales.

Il y a un commentaire qui dit : the city has changed , undoubtedly except the camels but…Mais ce n’est pas vrai : Nothing has changed, au contraire, et indubitablement, s’il te plaît. Et pourquoi ?

Parce qu’en 1937 comme aujourd’hui, tu retrouves exactement la même circulation des gens, les mêmes vêtements, les mêmes visages, d’enfants et de vieillards, les mêmes échoppes, le même chariot avec ses roues énormes, les mêmes gestes du quotidien. Je suis d’accord sur un point, except the camels. C’est vrai, il y a moins de chameaux maintenant qu’à l’époque, mais l’enseigne BATA, les chaussures, elle était déjà là, elle y est encore.

Regarde des images occidentales des années trente ; les visages d’enfants, les vieillards, ce ne sont plus les mêmes. D’ailleurs, nous n’avons plus de vieillards mais des personnes âgées.

Ici, c’est notre trop grande distance au passé qui fait que je ne peux pas regarder un film de Truffaut sans être englouti par la profondeur de la nostalgie. Surtout moi, un garçon tellement sensible.

─ Mon pauvre ami, le mot est faible.

─ Mais parce que nous voyons trop le passé avec le prisme du passé simple. Un passé qui aurait soi-disant trouvé ses limites dans le temps, dans le genre : 14-18 ou 39-45, comme si les guerres ne débordaient pas, bien au-delà des limites qu’on leur assigne. On enferme le passé dans des limites parce qu’on veut l’achever. Nous, le plus souvent, on se tourne vers des morts, dans le passé, comme pour mieux le maîtriser. Après l'avoir vidé de tout ce qu'il pouvait avoir de vivant.

Alors qu’en Inde, les films de Truffaut sont au diapason du rapport au passé dans ce pays. En fait, ce n’est pas à cause de la distance que j’ai pu regarder, là-bas, les aventures d’Antoine Doinel mais grâce aux accointances temporelles entre ces deux univers, l'Inde, d'une part, et les films de Truffaut, d'autre part.

 

─ Tu sais s’il y a du passé simple en hindi ?

─ Non, mais c’est curieux que tu me poses cette question ; l’autre jour, j’ai essayé de m’intéresser à cette langue, non pas sous l’angle de la grammaire, mais du point de vue des mots.

Un assez long silence.

─ Je suppose qu’à cet instant précis, je dois te relancer en disant : c’est-à-dire…

─ C’est-à-dire l’effet que les mots de cette langue produisent en moi. Je les entends sans les comprendre, à la fois si proches et si lointains. Des mots avec des sonorités toujours justes qui se déploient avec une telle ampleur.

Par exemple, prends ce groupe de mots en hindi qui veut dire « dernier voyage », antima yâtrâ.

Inspiré, Antima yâtrâ, il lève les mains à hauteur du visage et en écartant le pouce et l’index fait comme s’il étirait un bandeau, Antima yâtrâ. Là, c’est un déploiement de /an/ et de /a/, Antima yâtrâ. Simplement magistral. Une langue qui aurait été inventée pour faire sonner les voyelles. Antima yâtrâ, si tu ne m’avais pas donné le sens, je crois que j’aurais pu le deviner.

De plus en plus inspiré, Antima yâtrâ, comme un mantra magique à répéter sans fin. Retour au prosaïque, et puis « dernier voyage » fait aussi penser au titre d’un film de Truffaut.

─ Justement, nous sommes vraiment en phase, aujourd’hui, je me suis amusé à traduire des titres de ses films en hindi. Il prend un petit bloc-note. Celui-là me plaît beaucoup : Baisers volés devient Côrî cumbana que tu prononces – /tchôrî tchumpan/ – tu entends, un baiser, c’est presque du champagne. Une coupe qui, comme tu le sais, dans le cinéma bollywoodien, n’est jamais bue. Les lèvres se cherchent, s’effleurent, mais ne parviennent pas à se trouver. Ils devraient mettre une flèche.

─ C’est sûr qu’il n’y a pas de baisers volés dans le cinéma indien, sauf aux spectateurs par la morale et la censure. Mais /tchôri tchumpan/, je devais forcément le deviner. Essaie un autre sans rien me dire.

─ Jangali baccê soit /Jangli batché/.

─ L’enfant sauvage.

─ Comment t’as fait ?

Petit geste de la main. Trop facile. Un autre.

─ Kâlâ sâdî ou plus exactement /kâlâ châdî/

D’une voix profonde, comme une invocation. /kâlâ châdî/ - /kâlâ châdî/. La mariée en noir. Il précise. La mariée était en noir. Revoilà de l’imparfait. /kâlâ châdî/ C’est bien une histoire de vengeance ? Un passé qui ne passe pas.

─ Incroyable. Monsieur, il se tourne vers vous, vous constatez comme moi que cet homme est habité par le Saint-Esprit. Vous acquiescez en souriant. L’esprit des langues le possède, il lève les deux mains au-dessus de la tête de son ami comme pour tenter un exorcisme, et d’une voix traînante et chevrotante, Essprrit, y es-tuuu ?

 

Un deuxième silence, plus court. Ah écoute, tu me feras toujours rire… petite tape sur l’épaule de l’autre. En fait, ce qui est important quand tu reviens d’un voyage en Inde, c’est, pour répondre à un éventuel interlocuteur qui, inévitablement, avec les yeux écarquillés, te demandera - alors c’était comment ? – de pouvoir dire deux ou trois choses plus ou moins intelligentes sur le pays. J’espère avoir répondu à ton attente.

Dubitatif, de toute sa hauteur. Disons que tu as fait un effort .

Sec, un chouïa. Je te remercie.

 

 

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    Tout changer pour que rien ne change.

    22 Janvier 2019 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Cinéma, #Politiquement vôtre

    Tout changer pour que rien ne change.

     

     

    Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que nous changions tout.

     

     

    Comme le fait remarquer un personnage de Doubles vies d'Olivier Assayas, notre époque est particulièrement friande de cette formule qu'on trouve dans le Guépard.

    C'est vrai, on peut la lire, on l'entend répéter partout. Elle nous est servie à toutes les sauces. On en aurait presque les oreilles rabattues, de cette phrase prononcée par Tancrède, le neveu du prince Salina. Désormais, elle fonctionne comme un témoin, un révélateur de nos représentations du temps présent.

    Il faut, bien sûr, l'énoncer avec un air pénétré pour que sa véracité atteigne profondément chaque auditeur dans l'assistance. On accentuera avec une même intensité les mots tout / rien ou encore reste / change pour montrer que si leurs sens sont opposés, ils trouvent ici une équivalence.

     

    Mais si on dit : Ne rien changer pour que tout change, ou si nous voulons tout changer, il faut que tout reste pareil, c'est bien aussi.
    C'est la force des paradoxes, on peut les faire aller et venir de gauche à droite et de droite à gauche, ils fonctionnent tout aussi bien.

     

    Cette citation résonne comme un écho de la pensée gnostique pour laquelle tout ne serait que traversée des apparences. Elle fonctionnerait comme une prise de conscience, une connaissance révélée que ce monde n'est qu'illusion. 
    Il y aurait à l'oeuvre un management du trucage et de la fausseté. Dans ce monde fini et imparfait, ce ne serait que mise en scène pour mieux piéger les hommes.
    Et comme, en plus, dans le Guépard, c'est un membre de la caste dominante qui l'énonce, il y a toutes les raisons de croire à la vérité de cette citation, et que tout est organisé dans ce but par une sorte de force surhumaine, un mauvais démiurge.

     

    Et pourtant, il est tout à fait possible de penser que tout change et que rien ne reste pareil. Héraclite et une simple vie humaine peuvent suffire pour s'en convaincre.

     

    Christophe Eloy

     

     

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    Ah mais je les connais, ceux-là !

    16 Décembre 2018 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Cinéma, #L'humeur des jours

    photo Lucien Frizzi

     

    Ah mais je les connais, ceux-là, ils s'appellent - la jeunesse.

     

    Je n'ai jamais oublié la séquence qui ouvre "Boudu sauvé des eaux". Dans une librairie des quais de Seine, un étudiant s'approche du libraire. Celui-ci l'interpelle - Alors, vous l'avez trouvé, votre livre ? L'autre répond par l'affirmative. 

    - Et vous ne le prenez pas ?

    - C'est que, je n'ai pas d'argent.

    - Si ce n'est que ça, prenez-le. Vous me le paierez plus tard.

    L'étudiant est étonné par cette générosité.

    - Mais enfin vous ne me connaissez même pas.

    Et le libraire réplique :

    - Si, si, je vous connais. Vous vous appelez la jeunesse.

     

     

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    Vision

    29 Octobre 2018 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #De la poésie, #Cinéma

    photo Gerhart Dubois - Procession

    photo Gerhart Dubois - Procession

     

    Je les vois.

    Là-bas, sur le ciel d'orage.

    Ils y sont tous,

    le forgeron et sa femme,

    le chevalier, Raval, Jöns et Skat.

    Et la Mort implacable

    les invite à la danse.

    Elle veut qu'ils se tiennent la main,

    et qu'ils forment une vaste ronde.

    D'abord la Mort,

    avec sa faux et son sablier.

    Et pour finir,

    l'acteur avec sa cithare.

    Ils s'éloignent de l'aube

    dans une danse solennelle,

    vers les contrées ténébreuses,

    pendant que la pluie charitable

    lave sur leurs visages

    des larmes de sel amer.

     

        final du Septième Sceau (1958) 
                  Ingmar Bergman

     

    Vision
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    Godard contre James Bond

    23 Décembre 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Complotisme, #En bref, #Cinéma

    Hélas pour moi (1993) J.L. Godard

     

    Quoique la plupart en pense, la vie est infiniment plus proche d'un film de Godard que d'un scénario complotiste à la James bond.

     

    (Paroles entendues dans "Hélas pour moi")
    - Nous ne sommes pas des personnages de roman.
    - Qu'est-ce que c'est le romanesque ?
    - Dans le livre, il manque des pages.
    - Je ne sais pas si on peut appeler ça une histoire.

     

     

     

     

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    Le dernier Woody Allen

    3 Novembre 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Cinéma

     

    - C'est pas son meilleur.

    - Rappelle-moi, c'était quand déjà, son meilleur ?

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    Un filet de flétan

    13 Septembre 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Cinéma, #Laïcité religion

    - Ce filet de flétan était assez bon pour Jehovah.

     

    À une certaine époque, pour ce genre de propos adressé à sa femme, on pouvait être condamné à la lapidation pour blasphème, simplement parce qu'il contenait le nom de Dieu.
    Mais désormais vingt siècles nous sépare de cette époque cruelle. Ouf !

     

     

     

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    Le passé de Asghar Farhad

    23 Décembre 2013 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Cinéma

     

    Gerard V.  "Le Passé" de Asghar Farhad - un QUESTIONNEMENT ETHIQUE CONTEMPORAIN.

     

    En direct de la croisette les critiques s'émerveillent du dernier film de l’Iranien Asghar Farhadi, qui a planté sa caméra en France pour la première fois, la mixité cosmopolite parisienne du 19e arrondissement pose le décor. Bérénice Béjo (au prénom prédestiné) est une magnifique tragédienne de notre temps. Le bilan est une belle réussite cinématographique mais surtout un excellent questionnement éthique.

     

    Sans jugement moralisateur sur les personnages, le réalisateur ne tranche pas mais montre les failles de chacun. Dans un environnement tragique où la femme trompée dans le coma est la femme fantôme omniprésente, elle place chacun face à ses responsabilités.

    L'évolution des moeurs riche de ses nombreuses séparations amoureuses, de ses familles recomposées pose des questions ô combien contemporaines. Les émotions sont vives et les tourbillons provoqués deviennent les nôtres. Le couple séparé depuis 4 ans se retrouve pour divorcer mais l'attachement et l'affection sont encore présents. Jalousie que chacun essaye de maitriser avec raison. Les enfants s'expriment de la plus belle façon avec fureur puis avec tendresse. Le conflit entre la mère et la fille est un modèle de famille recomposée sous l'influence du devoir moral. La transparence apportée par les mails découverts (fonctionne comme une injection brutale de réalité) est également très contemporaine.

     

    Pour être moins douloureuse, la vie amoureuse nécessite une éthique nouvelle, comment colmater les conséquences d'une liberté nouvelle par une bienveillance et par une douceur continue envers ceux que l'on aime mais aussi maintenant envers ceux nombreux que l'on a aimé. Les questions sont d'un naturel troublant, il nous reste à trouver les meilleures réponses. Si comme moi vous avez vu ce film qu'en pensez vous?

     

    L’affaiblissement des valeurs morales traditionnelles représente-t-elle un danger majeur ou bien une opportunité favorable à la consolidation des valeurs humanistes, à l’installation de nouvelles valeurs hédonistes, esthétiques, sociale...

     

     

    Paul Maurice Le passé de Asghar Farhad - De la continuité dans les ruptures.

    Ce serait ma “clé d’interprétation” pour ce film.

     

    Dans la dernière scène où elle est sur son lit d’hôpital, dans le coma, la première femme de Samir a les traits, me semble-t-il de Bérénice Bajo, c’est à dire de Marie, celle qui pourrait être la deuxième.

    Plus tôt dans le film, la fille de Marie ne dit-elle pas à Ahmad : “Ma mère est avec Samir, parce qu’il te ressemble”.

    Comme si à travers les différents visages des hommes et des femmes, les personnages cherchaient cette femme ou cet homme unique, comme s’ils cherchaient à établir un pont, un lien entre le passé et le présent, au delà des ruptures.

    C’est en fonction du passé, qu’ils choisissent la rupture ou la continuité avec lui, que les personnages se déterminent, qu’ils font le choix de ce qui est bon ou mauvais pour eux. Et d’une certaine manière, peu importe qu’ils soient dans le juste ou qu’ils se trompent. Comment savoir ?

    Samir sera dans la continuité, après avoir compris que sa femme dépressive s’est suicidée par jalousie, et donc par amour, revient vers elle pour tenter une ultime communication, et il y a cette main qui semble se serrer autour de son doigt.

    Marie, dans la rupture, qui dans la dernière confrontation avec Ahmad, il repart en Iran, refuse sèchement qu’il lui explique les raisons de son départ, quatre ans auparavant, parce qu’il faut laisser le passé là où il est. et elle laisse repartir celui qu’elle aime, sans doute encore, au profit d’un présent qui déjà lui échappe.

    Et Ahmad, dans une rupture/continuité, qui s’en va, tout en laissant dans la remise, ses affaires d’autrefois, qu’elle lui avait pourtant demandé de prendre au passage, des photos d’eux.

    Dans tous les cas, quels que soient les choix des personnages, rupture ou continuité par rapport au passé, ceux-ci se conjuguent pour que ce soit la famille recomposée qui en prennent un sérieux coup. En fait, elle se décompose sous nos yeux.

     

     

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