Peur sur nos vies

photo - Christophe Eloy

On gagne beaucoup à s’avouer pessimiste, c’est le moyen d’être prophétique.

                                                                           Sylvain Tesson.

Si on met bout à bout toutes les choses à faire ou ne pas faire pour ne pas mourir de ceci ou de cela, les menaces qui pèsent sur nous devraient déjà avoir mis un terme à nos existences au moins un bonne dizaine de fois pour chacun d'entre nous.

Il n'est pas inutile de rappeler que nous baignons dans une culture apocalyptique. Notre civilisation est tournée vers l'Apocalypse. Et depuis bien longtemps.

Les Évangiles, c'est le livre de la Révélation, du dévoilement, de l'Apocalypse juste à venir. Contiennent-ils un seul verset qui n'y fasse pas au moins allusion ?

L'Apocalysme, le Jugement ultime, est l'événement idéal pour déterminer qui a tort et qui a raison, et que le dernier mot revienne, une bonne fois pour toute, à ceux-ci.

Pour ce faire et pour que la chose soit bien entendue, il est nécessaire de taper fort, d'employer les grands moyens. Une bonne Apocalypse y pourvoira. Rien de telle.

C'est peut-être le dyonisiaque à l'oeuvre dans la christianisme. Le châtiment, pour s'incruster à jamais dans la tête des hommes doit être au-delà de toute mesure. 

En fait, lorsque je mets le peuple ou l'apocalypse de mon côté, je caresse un espoir identique, celui de ranger dans mon camp l'interlocuteur, de faire en sorte qu'il m'imite, qu'il soit dans l'obligation de penser comme moi. À vrai dire, l'apocalypse n'a pas que des désagréments.

À la réflexion, on trouve toujours populisme et complotisme main dans la main, l'un ne va pas sans l'autre, l'un se met à exister lorsque l'autre apparaît.

C'est le populo-complotisme qui dénonce le complot éternel des élites contre le peuple.

Il faudrait un souci constant, presque une obsession. Que les stratégies rhétoriques des groupes d'opinion, comme le populisme ou l'écologie apocalyptique, tentent de mettre en place, ne puissent pas, par le biais d'une transcendance intempestive (avec l'utilisation de l'idée de peuple ou de fin du monde) mettre un terme au jeu démocratique. 

Être toujours à l'affut, pour le dénoncer, de l'argument qu'on agite, pour couper court au débat.

La bêtise, c'est conclure, disait Flaubert. Il y en a beaucoup, ces temps-ci, et de tout horizon, qui ont la tentation de conclure, parce qu'ils possèderaient, à les entendre, le fin mot de l'histoire.