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éloge de la mollesse

En Blasphémie occidentale

3 Octobre 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Christologie

photo Gérard Dubois -  Fervente auréolée d'un joli béret, devant Christ crucifié

photo Gérard Dubois - Fervente auréolée d'un joli béret, devant Christ crucifié

 

On n'y pense pas suffisamment, sinon même pas du tout, et c'est regrettable, mais la crucifixion, cette image si familière, est une représentation à dimension hautement blasphématoire.

En effet quel est son sujet ?

Rien moins que l'agonie ou la mort d'un dieu ! On peut mesurer encore aujourd'hui le scandaleux qui touche à la représentation du sacré (le sacralisé ou même le sacralisable). Il y a toujours très vive en nous une crainte que quelque chose de cet ordre s'affiche, prenne forme sous nos yeux, une peur qui vient du fond des âges de voir représenter l'irreprésentable.

D'autant plus, pour la crucifixion, que la mort du dieu est représenté dans son extrême trivialité. La mise en croix était un supplice à la fois très commun et infamant infligé par les Romains aux criminels.

L'Église a longtemps été très réticente devant la charge scandaleuse de cette représentation qui n'est autorisé et n'apparaît qu'au 5ème-6ème siècle. Auparavant, le Christ était figuré sous la forme de l'Agneau pascal. Grégoire de Tours, lorsqu'il en voit une des premières à Rome, la considère comme une profanation. Et dans les tous premiers siècles, les seules crucifixions connues sont, semble-t-il, l'oeuvre de païens, ces mécréants, qui dessinent des graffitis de la scène pour se moquer du dieu chrétien.

 Lorsqu'elle devient enfin et officiellement regardable, la représentation, à l'origine blasphématoire, possède cette capacité, comme pour mieux se conjurer elle-même, de se multiplier à l'infini. Alors ce qui était précédemment, l'objet d'une "terreur", relève, dans la séquence suivante, d'un culte, d'une adoration.

 

Il semblerait donc que la représentation de la crucifixion en dise beaucoup sur l'étrange tolérance au blasphème qu'on observe sous nos latitudes.

 

 

Additif.

Qu'y a-t-il de commun entre les premiers Chrétiens qui ne voulaient pas voir de représentation de la crucifixion, les Musulmans qui ne veulent pas voir de représentation du prophète et beaucoup de personnes dans le monde, dont moi, qui se sont dit, dans un premier temps, à propos de la photo du petit Aylan étendu sur la plage de Bodrum : "Non, moi, je ne veux pas voir ça" ?
Dans ces trois cas, on retrouve la peur de porter un regard qui désacralise, un regard qui rend profane ce qui devrait rester sacré, c'est-à-dire ce qui doit rester sinon invisible, du moins hors de portée du regard. En tout cas irreprésenté.
À partir de là, une réflexion : Le renversement d'une image-tabou (interdite) en image-totem (signe de ralliement) a pris plusieurs siècles, dans un cas, et à peine une journée dans un autre, alors que pour les contemporains de chacune de ses images, elles sont d'une égale intensité, autant qu'on puisse en juger en risquant l'anachronisme.

 

 

 

 

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