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éloge de la mollesse

Les faux procès

6 Juillet 2017 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Politiquement vôtre

Tout d'abord un petit rappel, Macron a dit (discours de la halle Freysinet,  27/06/2017) : "Ne pensez pas une seule seconde que si vous réussissez vos investissements ou votre start-up la chose est faite, parce que vous aurez appris dans une gare, et une gare , c'est un lieu où l'on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien, parce que c'est un lieu où l'on passe, parce que c'est un lieu qu'on partage (...) et si nous oublions cela en voulant accumuler dans un coin, on oublie d'où l'on vient et où l'on va".‬

 

S'il y a une critique à faire à ce discours, c'est l'emploi du présent à la place du conditionnel. "Des gens qui ne seraient rien" à la place de "des gens qui ne sont rien", et là aucune polémique ne voyait le jour. Mais bon !‬

‪Sinon, oui, le sens général de ce discours est une mise en garde à ceux qui pensent réussir et qui ne verraient pas plus loin que leur réussite sans comprendre qu'elle engage vis à vis des plus démunis. Cette interprétation semble tout de même évidente.‬

‪Mais bien sûr, comme comprendre un texte ou un discours est une chose difficile,  un  prof de français le sait par expérience quotidienne, on préfère s'engouffrer dans les lieux communs et les idées toutes faites, entendre ce qu'on veut bien entendre pour le ramener à du connu.‬

De toutes les façons, les gens sont à cran. On se détend un petit peu. Ce n'est tout de même pas impossible d'entendre la tonalité générale de ce discours qui consiste à dire - tant qu'à réussir autant que ce ne soit pas que pour soi - plutôt que de se focaliser sur une expression.

 

Voici donc revenu le temps des faux procès. On met déjà en liste les chefs d'accusation. J'ai lu quelque part que le nouveau président s'est rendu coupable à sept reprises, depuis le début de sa jeune carrière, de "mépris envers le peuple" ou encore de "mépris de classe". Sept fois comme les sept péchés capitaux.

On est là, tout d'un coup, au centre de la pensée populiste, et de sa structuration. 

Pour celui qui prétend parler au nom du peuple, qui ne veut que défendre "la cause du peuple" en tant que son seul représentant légitime, le contradicteur qui ne prend pas conscience qu'il n'a qu'une chose à faire - c'est se taire - est déjà éminement suspect. Et s'il persiste dans son non-silence, la violence oratoire, qui peut très souvent recourir à l'insulte, est recommandée, la cause défendue étant sacrée. Ce qui rne manquera pas de ramener le contradicteur vers une attitude plus adéquate.

Dans la rhétorique populiste, la fin justifie les moyens. 

 

Dans les années où cette rhétorique s'est largement développée, dans les années soixante-dix notamment, beaucoup d'intellectuels ont évoqué cette sorte de sidération qui saisit celui qui manque de se voir accusé de "mépris de classe". Une sidération qui intime le silence. Personne ne souhaite que tombe sur lui ce jugement sans appel.

Face à la montée des populistes, il pourrait être urgent de ne plus céder à cette sidération et de répondre point par point.

 

Dans le dernier en date des péchés présidentiels, il y a ce "les gens qui ne sont rien". 

Sous le regard du populiste, n'essayons pas de recontextualiser l'expression dans le cadre général du discours, il n'y verra qu'une manoeuvre grossière et inutile visant à minimiser, ou pire encore, à excuser le propos.

Au contraire, pour lui, l'expression doit impérativement être isolée pour bien en exhiber l'ignominie. Là où le professeur de littérature s'attache à montrer le pourquoi et le comment de tel mot ou expression dans tel texte, à textualiser en somme, le populiste va s'attacher à le faire sortir du texte, celui-çi n'a plus aucune espèce d'intérêt. Il est nécessaire de détextualiser pour se concentrer juste sur le mot ou l'expression qui fait signe de la faute.

 

 

 

         Monologuer avec un populiste.

Vous faites une liste des écarts de langage du président Macron, d'accord ; je retiens simplement les abattoirs Gad mais je me doute que les autres exemples sont du même tonneau. Là encore, vous caricaturez, ne voulez pas contextualiser (sans doute un gros mot pour vous, mais qu'on va devoir vous opposer fréquemment). Mais prenez donc la peine d'entendre la vidéo et de lire l'article.

 

Sur le site d'Europe 1, on trouve écrit (17/09/2014) : " Qu’en est-il des faits ? En décembre 2013, Europe 1 précisait que le taux d’illettrisme avoisinait les 20% chez les salariés des abattoirs Gad, un chiffre confirmé mercredi par des sources syndicales. Or ce taux s’établit à 9,5% au niveau national, selon les chiffres de l’Insee datant de 2010. Le taux d’illettrisme est donc deux fois supérieur chez les employés des abattoirs, et cela s’explique : toujours selon l’Insee, l’illettrisme est plus important dans les zones rurales et augmente avec l’âge. Or la moyenne d’âge des employés Gad est de 42 ans, avec un parcours scolaire souvent raccourci. Emmanuel Macron a juste oublié de préciser qu'il s'agit d'une minorité."

Et le crime odieux de Macron contre le peuple est d'avoir dit que les ouvrières illettrées de GAD avaient de ce fait du mal à passer le permis de conduire et donc à trouver un travail. (voir la définition de l'illettrisme en bas de ce même article). Il y a là encore moins sujet à faire polémique que dans le discours de la halle Freysinet.

Donc aucun mépris de ma part mais juste une volonté de répondre avec une certaine conviction à vos approximations.

 

Dans l'interview à Europe1, il dit : " il y en a pour beaucoup qui sont illettrés " (20%, donc). Dans ce cas comme pour le tabagisme et l'alcoolisme dans le Nord, (déclaration du candidat Macron de janvier 2017), la généralisation du propos n'est absolument pas avérée. En fait, le dire est tout simplement faux. Dans ces deux cas, Macron s'en tient à des données statistiques. Alors a-t-on le droit de les évoquer ?

Je pense que tous ceux qui agitent le "mépris de classe" comme un étendard devraient nous dire clairement comment on peut et on doit parler de ces questions sans heurter leur susceptibilité exacerbée et sans risquer l'inculpation, mais surtout qui est autorisé à en parler .

 

Vous n'êtes pas rien. Quand on produit de telles diatribes avec tous les mots-clés qu'il faut - maître, oligarchie, mépris, manipulation, esclave - on peut se sentir, à bon droit, quelqu'un, je vous assure. On est un vrai rebelle, un authentique anti-système. Bravo.

En l'occurence, personne ne vous a catalogué comme "n'étant rien". Si vous daigniez simplement entendre l'ensemble du discours et ne pas vous complaire dans un malentendu voire une incompréhension.

 

 

C'est tout de même étonnant ce besoin chez beaucoup beaucoup de personnes de se penser méprisé. Ce besoin de vouloir croire absolument qu'on les méprise. Ça va loin. Ça remonte à des générations et des générations.

 

 

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