La force d'un mot
Étant donné tout cet infini qui me traverse de part en part et à chaque instant, et qui au bout du compte me détermine et me constitue, je ne peux pas ne pas. Je ne peux être que puissance d'affirmation. La négativité n'a pas de prise sur moi. Le "ni ni" m'est étranger. Cette pierre angulaire de toute théologie négative est une machine à mettre en accusation l'ensemble des éléments du réel. Une machine à rejeter, et une fois qu'elle a exclu tout ce qu'il y avait à exclure, c'est-à dire tout, on reste comme suspendu, dans un vide sidéral.
Alors je suis sensible à la force du " et ", à l'ajout perpétuel de réel qu'il autorise, à sa puissance d'affirmation illimitée. C'est un mot qui vaut, à la manière baroque, flaubertienne, quantique, parce qu'il a ce pouvoir d'accumuler, d'empiler les contraires.
Il y a les gros mots. Il y a les petits mots. "Et" est de ceux-ci. Un tout petit mot qui n'a l'air de rien. Pour un peu, il passerait presque inaperçu dans la langue française. On ne lui accorderait qu'un rang très inférieur, sinon même le plus inférieur. Et en même temps, une chose est sûre, il ne coûte pas cher. Il ne pèse pas lourd dans le budget d'une campagne électorale, mais il peut accessoirement la faire gagner, là où d'autres ont "failli" parce qu'il n'avaient eu recours qu'au nini.
Paul Maurice