La lumière du futur
Pier Paolo Pasolini - Les cendres de Gramsci (extrait), 1954-1956
Ce qui pleure, c'est ce qui change, même si
c'est pour être meilleur. La lumière
du futur ne saurait cesser un seul instant
de nous blesser : elle est là, qui nous brûle
dans chacun de nos actes quotidiens...
Et on sent bien que pour ces êtres
vivants, au loin, qui crient, qui rient
dans leurs véhicules, dans leurs mornes
ilôts de maison où s'évanouit
le don perfide de l'existence -
cette vie n'est qu'un frisson;
présence charnelle, collective;
on sent l'absence de toute religion
véridique, non pas vie, mais survie
- plus joyeuse peut-être que la vie - comme
un peuple d'animaux, dont le secret
orgasme ignore tout autre passion
que celle du labeur de chaque jour :
humble ferveur que vient parer d'un
air de fête l'humble corruption.
Et ce qui pleure, c'est ce qui change, même
si c'est pour être meilleur. La lumière
du futur ne saurait cesser un seul instant
de nous blesser : elle est là, qui nous brûle
dans chacun de nos actes quotidiens...
Et pas très loin, parmi les pavillons
proscrits, en bordure des collines, ou au milieu
d'immeubles, pareils à des mondes, des enfants
jouent, légers comme des haillons, sous la
brise, non plus froide, mais printanière.
La vie est bruissement, et ces gens qui
s'y perdent, la perdent sans regret,
puisqu'elle emplit leur coeur : on les voit qui
jouissent, en leur misère, du soir : et puissant
chez ces faibles, pour eux, le mythe
se recrée... mais moi le coeur conscient
de celui qui ne peut vivre que dans l'histoire
pourrais-je désormais oeuvrer la passion pure
puisque je sais que notre histoire est finie.