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éloge de la mollesse

Noyade

7 Octobre 2017 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Police des âmes et des frontières

photo Gérard Dubois

photo Gérard Dubois

 

A celui qui n'est pas éveillé, il n'arrive que des rêves.

 

Lorsque ma tête a émergé au-dessus du niveau des eaux, toute ruisselante, les yeux toujours fermés, impossible à ouvrir sous la morsure du sel, j'ai entendu sa voix qui criait mon prénom en se vidant de son être jusqu'à une longue vibration de bonheur.

Un cri comme celui qui avait dû présider à ma naissance et comme jamais je n'aurais soupçonné qu'on puisse un jour en lancer un vers moi. Il me faisait fier de revenir dans le monde supra-marin. Une bouée m'a heurté le front, j'ai tendu les bras pour la saisir. D'autres bras m'ont bientôt hissé sur une embarcation.

 

Auparavant j'avais glissé dans cette masse verdâtre préférant soudain sa tranquillité au tumulte chaotique et inhospitalier de sa surface. Je m'enfonçais en elle. À un certain moment il y eut un tabouret posé là au fond de l'océan, un étrange tabouret. On s'est observé l'un et l'autre et puis il a repris sa vie normale d'objet inanimé. A mesure que je me rapprochais de lui, il s'allongeait, il se démesurait, ou bien était-ce moi qui diminuais jusqu'à tomber le long d'un de ses pieds ?

Tout d'un coup l'endroit m'a déçu. Il n'était qu'à moitié accueillant, et surtout habité par une immense solitude à laquelle je ne trouvais pas d'issue.

J'ai eu l'espoir de remonter. Des bulles d'air me sont passées sous le nez, mes poumons se vidaient, mes yeux se sont fermés et j'ai vu... j'ai vu ce qu'on voit dans ces cas-là... ma vie... . Non pas ma vie banale de tous les jours, heureuse et malheureuse, mais ma vie scripturaire !

Un mélange de rêve et de réalité, de fiction et de rêve que j'avais pris soin d'écrire, année après année, décennie après décennie, sans trop savoir pourquoi, à la recherche d'un vague plaisir, la plupart du temps déçu et vite oublié.

Ce n'était pas la mémoire de ma vie qui me revenait, mais bien cette sur-mémoire, arrachée à la prison des jours, plus signifiante, mieux ordonnée, plus cohérente. À travers ces mots qui défilaient, ma vie semblait avoir eu un sens.

 

Je me suis abandonné en eux, ils m'ont accompagné jusqu'à un point de non-conscience.

 

 

 

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