Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
éloge de la mollesse
Articles récents

L'église InterHumaine

27 Juin 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Witold Gombrowicz

photo Gérard Dubois.

photo Gérard Dubois.

 

par Witold Gombrowicz, Le mariage, 1948 

 

Le prêtre :

Je suis le prêtre

 

L’ivrogne : 

Oh Dieu odieu odieu !

Oh Dieu odieu odieu !

 

Et que t’importe Dieu,

puisque je suis ici ?

Ami, ne vois-tu pas

que je suis tel que toi ?

A quoi bon te tourmenter

de chimères puisque toi et moi

sommes en chair et en os,

si je suis tel que toi,

si tu es tel que moi ?

 

Je vais te dire sagement

de quelle religion je suis

le prêtre. Entre nous, notre Dieu

naît de nous-mêmes et notre Eglise

n’est pas du ciel, mais de la terre.

notre religion n’est pas du haut,

mais du bas.

C’est nous-mêmes qui créons le Dieu

et c’est là que commence la messe humainement humaine,

inférieuse, officieuse

sombre et aveugle,

terrestre et sauvage,

dont je suis le prêtre !

 

A ton tour, à ton tour,

veux-tu qu’avec mon doigt

je te consacre prêtre ?

Entre nous, entre nous.

 

Et que t’importe Dieu,

puisque je suis ici ?

Ami, ne vois-tu pas

que je suis tel que toi ?

A quoi bon te tourmenter

de chimères puisque toi et moi

sommes en chair et en os,

si je suis tel que toi,

si tu es tel que moi ?

 

 

(...) 

Notre Prince, est sans doute un grand roi...

il n’est pas impossible,

je le crains, que ses conceptions

du pouvoir ne soient plus

tout à fait en accord

avec l’esprit des temps modernes.

On ne saurait nier que ce soit

un homme de grande envergure...

mais pour ses conceptions

elles semblent anachroniques,

ce sont celles des vieillards, lorsqu’ils croient à un code

de morale et de bienséance

élaboré une fois pour toutes !

 

Entre nous, un homme moderne

doit être incomparablement

plus souple ; parce qu’il sait qu’il n’y a

rien de stable, et rien d’absolu

que tout se crée entre les hommes...

que tout se crée entre les hommes...

que tout se crée entre les hommes...

instantanément,

se crée se crée se crée...

 

 

 

 

Lire la suite

L'origine du mot

26 Juin 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Dans cette ville

L'origine du  monde - Gustave Courbet

L'origine du monde - Gustave Courbet

Un jour que j'urinais sereinement, bien en équilibre sur mes deux jambes, je remarquai un peigne posé sur le réservoir de la chasse-d'eau. Que faisait-il là ? On ne le saura jamais.

Quelques minutes plus tard, V. occupa à son tour l'endroit. À son retour dans ma chambre je lui demandai :

― As-tu remis de l'ordre dans ta « foufoune » avec ce peigne qui occupe aujourd'hui une situation que je ne m'explique toujours pas.

― Ma fooouufooune !!!

Tout d'un coup nous étions l'un comme l'autre en présence d'une sorte de miracle, un mot neuf, jamais entendu, certainement jamais prononcé par quiconque avant nous. Une nouveauté stupéfiante. Le mot eut tout de suite le pouvoir de l'enthousiasmer. Je pouvais lire sur son visage, une joie, une fausse honte, une pudeur, un amusement et même une certaine jouissance à répéter ce mot un nombre illimité de fois. Tous ces sentiments mêlés donnaient au bout du compte un résultat très frais.

Ensuite elle m'a accusé d'avoir placé exprès ce peigne à cet endroit pour me donner l'occasion de prononcer ce mot de « foufoune ». L'accusation était odieuse. J'avais justement inventé le mot au moment même où j'urinais avec sérénité tout en contemplant ce peigne posé sur le réservoir de la chasse-d'eau et que je me demandais ce qu'il pouvait bien faire là.

L'accusation était odieuse parce qu'elle retirait toute spontanéité à la suite d'événements racontée plus haut. Je niais avec une grande énergie.

Bref, nous avons ri pendant une bonne heure.

 

Plus tard je n'ai jamais rencontré de filles capables de s'émouvoir à ce point devant la magie de ce mot. D'ailleurs pour moi le mot a fini par perdre de sa magie.

Bien sûr j'aurais préféré qu'il restât notre secret. Il aurait pu devenir un de ces mots secrets dont les amoureux usent avec délice dans leur intimité. Il n'en a pas été ainsi. Et je sais qu'elle a continué à l'utiliser avec enthousiasme auprès des autres amants qu'elle a pris.

Bien plus tard le mot, par un effet boomerang, est revenu à mes oreilles, et j'étais fier car, de bouche à oreille, il s'était répandu dans l'ensemble de la société. Et je savais que j'étais à son origine. J'en étais l'inventeur.

Mais en même temps j'étais triste car, dans le succès rencontré par ma création lexicale, à chaque fois qu'il me revenait, il y avait l'écho d'une trahison qui se serait diffractée en une multitude d'éclats.

 

Paris, 1976.

 

Post scriptum

 

Un certain nombre de personnes, après avoir lu ce texte me conteste la paternité du mot. Ils affirment qu'avant la date que j'indique, ils l'avaient déjà entendu.

Personnellement, j'en doute, mais soit.

Je peux admettre en être, plus modestement, un co-auteur. À une certaine période historique, différents locuteurs d'une langue sans s'être concerté, chacun de leur côté, invente un même mot. C'est un phénomène linguistique tout à fait vraisemblable.

 

J'ajouterai que "foufoune" n'est pas le seul mot ainsi forgé par moi. J'ai d'autres néologismes à mon actif. Ainsi dans la deuxième moitié des années 90, je vois surgir dans ma bouche : "mémériser", qui a fait récemment une entrée remarquée dans le dictionnaire.

Mais je ne me suis pas arrêté là. Néologiser devenant en quelque sorte, presque une seconde nature. Dans les années 2000, j'invente "chiquifier". Et celui-ci, on peut en trouver une trace dans un de mes écrits :

 

"Nous irions au café. Elle le voulait populaire, pas refait à neuf, pas ripoliné, pas chiquifié comme trop souvent désormais. On s'installa dans un où j'avais mes habitudes." 

(Dans cette ville, p.102)

Lire la suite

Lignes grises et roses

25 Juin 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Julie Eloy

La nuit me fait penser à demain

La nuit me fait penser à demain

Texte - Julie Eloy

photos - Sylvie Paponnet

 

 

Où est la plaine si paisible où l'on a pas peur, je ne m'en rappelle pas.

 

 

Je ne dors pas de la nuit et la nuit me fait penser à demain.

Ce chemin si grisant dans l'attente de retrouvailles comme je le connais.

Pourquoi le bonheur m'a été enlevé et comment cela est-ce possible ? Le futur me semble rempli d'une immense joie et l'air crie comme le bruit. Il y a dans mon cœur une part d'obscurité à ne pas connaître mais reconnaître ce bonheur, cette ivresse. Où est la plaine si paisible où l'on a pas peur, je ne m'en rappelle pas.

 

Ce train, le fil qui nous étend d'une ville à une autre. La fatigue perd son chemin et je décide pour m'adoucir de vous écrire.

Je l'avais un peu oublié, voyager c'est l'aventure.

De se croire libre, vainqueur de la nature comme une roue que le vent fait danser. Tourner les pages d'un livre, des semences... dont le pouvoir est donné au lecteur. Une palette de rayons interactifs. Je vais plus vite si je veux. La musique fait résonner l'ivresse d'aller loin et de retrouver des amis chers. Comme la colombe qui avait perdu frères, retrouver un peu de paradis. Je vous entends déjà, rires au diapason, et clarinette, et trompe-la-mort.

 

Je ne crois pas à la mort mais celle de mes proches me fait peur. J'essaie de m'armer, cela ressemble à de la colère, à de la peur. Rémission. Peut-être qu'on dansera ou peut-être qu'on ne dansera pas. La lumière est pétillante. La musique souligne nos yeux. L'amour est lyre.

Nous boirons peut-être de l'alcool, et nous réciterons nos meilleures blagues comme des malins.

 

Le petit berger se cache. Nous ne voyons plus que des moutons couleur laine. Le petit berger est sans doute parti chercher sa brebis qui manque tellement aux moutons. Ils ont peur du ciel et la seule connexion qui peut les libérer, ce sont des yeux qui ont peur eux aussi.

 

Le soleil, noyau, éclaire mon corps en proie au sommeil.

Les maisons deviennent sable. Comme le coton de mes habits, je m'engouffre dans une ligne droite chimère de notre siècle.

Le téléphone sonnait. Le regard contemplatif, exemplaire et aveugle d'un être aimé vous enlace. Une griffe enflammant une étreinte.

L'existence, lunatique, se transforme en un éclair de temps en abîme divin.

Je vous aime et je brûle pour vous.

 

Contemplative, je ne suis plus un chien mais un chat félin que le vent trace. Je n'ai ni maître ni toi. D'ailleurs je ne suis ni chien ni chat pour laisser des empreintes traîner. Je suis nomade et mon cœur a le droit d'accélérer comme bon lui semble. On accélère et je lévite. Les anges ne savent pas parfois si je pleure ou ris quand je les regarde dans les yeux et imagine l'eau qui dort, et le bonheur ne me semble plus illusion mais véritable.

Étrange passion, celle dont la sève irritait mes pensées devenues blessure et limbe de mon existence spirituelle. C'est aussi un ange qui portait un diadème dont la beauté fait peur.

Investigation Barbarie Délivrance.

 

Entrée au pays des paradis artificiels, ciel d'étoiles nues où des dragons en plumes m'emmenèrent voir le diable à la loupe, la lanterne-éléphant, la chasseuse qui lui marche dessus et le combat de l'impuissance et de la violence contrefaite. Mythe de la réalité virtuelle.

Les réminiscences-symbole de l'évasion taciturne et douloureuse divergent selon l'âge et seul le fruit ne reste pas intact, croqué vivant et devenu céleste comme le royaume invisible du temps.

Si Cronos retourne à Paris, il pourra voir une pluie de messages entourée de murs-espion, eux aussi. De l'autre côté, vers le Sud où vont un troupeau de chameaux, il y a peut-être des rois qui décident et qui ont soif de rêves qu'ils inventent à souhait, loueurs de pagailles. On leur montre un chemin, vont-ils l'apercevoir ou recevoir en pleine tête, ce citron dont l'acide est trop fort.

 

Très près de vous sillon

Passagère de clous, on ramasserait les marrons.

 

Autour de la planète

On grave le mot être

 

Mais rien n'est gratuit

Même si nous sommes sages et polis.

 

Impie parcours

Et flâner sur la banquise.

Comme Paris la nuit fuit

Les ennemis maudits.

Les chouettes réunies

Ensemble ne comprennent pas

Comment le serpent

Diable prudent destructeur

De la désinvolture de l'amour.

 

Sommeil trompeur !

Je sais il faudrait être nénuphar

Sur un nénuphar

Crapoter laisse tomber

C'est dingue et fou de l'aimer

Se venger, se racheter

C'est le plus foudroyant mystère

De perdre un être aimé.

Envolés en fumée

Les beaux rêves de

La robe dérobée...

Lions en beauté

Tu crois qu'elle a ses chances ?

 

où est la plaine si paisible où l'on n'a pas peur ?

où est la plaine si paisible où l'on n'a pas peur ?

ce fil qui nous étend d'une ville à une autre

.

le soleil noyau éclaire mon coeur

le soleil noyau éclaire mon coeur

je m'engouffre dans une ligne droite chimère

je m'engouffre dans une ligne droite chimère

céleste comme le royaume invisible du temps

céleste comme le royaume invisible du temps

il y a peut-être des rois qui décident et qui ont soif de rêves qu'ils inventent à souhait

.

le citron dont l'acide est trop fort pour le recevoir en pleine tête

le citron dont l'acide est trop fort pour le recevoir en pleine tête

très près de vous sillon

très près de vous sillon

autour de la planète on grave le mot être

autour de la planète on grave le mot être

Et flâner sur la banquise

.

je sais il faudrait être nénuphar... sur un nénuphar

.

Lire la suite

Teresa Manganez

24 Juin 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Le désir en toutes lettres

photo Gérard Dubois.

.

 

Lui

Teresa Manganez

N’est pas quelqu’un de riche

Je ne sais pas pourquoi

Elle ne m’en veut pas

 

Elle

Diamant saphir boa

Tout ça je n’en ai pas

Pour avoir de l’argent

Je crois en mes appâts

 

Il voudrait que je sois

Thérèse au quotidien

Mais je ne me vois pas

Tenant un bar-tabac

 

L’autre jour me croisant

De rage il arracha

Mon bras mais à quoi bon

Je ne lui en veux pas.

 

Mon corps dur et cassant

Et puis fondant aussi

Je ne sais pas pourquoi

Il le mérite pas.

 

Ensemble

Il n’en finira pas

Le silence entre nous

Je ne sais pas pourquoi

Les jours vont un par un.

 

Lui

L’abus de manganèse

Rend fou dans la pampa

Les mineurs argentins

Le diront mieux que moi

 

Souvent tu rentres tard

Je ne sais pas pourquoi

Ma sainte ma secousse

As-tu pris des amants

 

Si jamais tu faisais

L’amour dans l’escalier

Sur les toits de Paris

Ou bien dans les taxis

J’en perdrai la raison.

 

Cette idée me revient

Un couple se sépare

Sur un coin de trottoir

Je ne sais pas pourquoi

Lui

J’en perdrai la raison.

Elle

Je ne dis jamais non

 

Ensemble

Teresa eresat

Resate esater

Satere ateres

Teresa Manganez.

 

 

Lire la suite

Toinette et Blaise

23 Juin 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #De la poésie

Les enfants de Cendrars - photo Gérard Dubois.

Les enfants de Cendrars - photo Gérard Dubois.

 

Blaise Cendrars, dans l’homme foudroyé, 1945

 

 

A une époque de ma vie

je m’occupais d’apiculture,

et j’étais amoureux

de la fille d’un scaphandrier.

Les abeilles ne me donnaient

pas beaucoup de tintouin, 

la fille du scaphandrier...

non plus !

Le début de l’été

s’annonçait admirable.

 

Je passais le plus clair

de mes jours avec mon

amoureuse couchés

dans l’herbe du talus

en bordure du canal

de l’Ourcq, ne pensant à

rien de mal sinon pour

nous faire des papouilles 

dans les oreilles avec

de longs brins d’herbe.

 

Elle s’appelait Toinette

et je m’appelais Blaise.

Elle avait dix-sept ans,

j’en avais vingt-et-un.

 

On comptait, la tête à

la renverse, les milliards

de feuilles dans les trembles.

Et on s’aimait comme les

petites bêtes à bon Dieu,

joue contre joue, les joues en feu,

soufflant les coccinelles.

Et les voir courir

sur le bout de nos doigts

comme gouttes de sang

dans un rayon de lumière

Quelle merveille !

 

Elle s’appelait Toinette

et je m’appelais Blaise.

Elle avait dix-sept ans,

j’en avais vingt-et-un.

 

Je la serrais dans mes 

bras car je les avais

encore tous les deux.

Parfois on s’empoignait

par le cou et nous nous

embrassions à perdre haleine.

Les rouliers qui passaient

sur la route nous houspillaient.

Nous éclations de rire.

Les grognards faisaient pour

nous claquer leur fouet.

Et les gens des chalands

nous invitaient à bord.

 

Elle s’appelait Toinette

et je m’appelais Blaise.

Elle avait dix-sept ans,

j’en avais vingt-et-un.

 

Tous nous connaissaient

sur les rives du canal,

et quand on entrait

dans un bouchon des berges

manger une friture,

boire une chopine

de vin blanc ou faire

une partie d’escarpolette,

tout le monde nous appelait

“les Amoureux”. Quelle merveille !

 

Elle s’appelait Toinette

et je m’appelais Blaise.

Elle avait dix-sept ans,

j’en avais vingt-et-un.

 

Quelle merveille !

 

 

Lire la suite

La Filistrie

22 Juin 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Witold Gombrowicz

Chevaucher le vide - photo Gérard Dubois.

Chevaucher le vide - photo Gérard Dubois.

 Par Witold Gombrowicz, extrait du roman  "Trans-Atlantique (entre mazurka et tango)", 1957

 

Et le Père sur ton dos,

Tu te jettes dans les plaines

comme un poulain sauvage.

Tu prends le mors aux dents

et galopes au hasard

où t’emporte ton regard.

Le Vieux n’en revient pas,

il n’en croit pas ses yeux.

Toi, son fils si docile

qu’il tenait par la bride,

voilà que tu l’emportes,

Tu l’emportes, tu l’emportes.

Tu t’Élances, tu Détales,

Tu fuis très loin d’Ici.

Et un Triste cheval

devient un fier Poulain.

Tu laisses loin derrière toi

la Patrie de ton Père.

 

Au diable, la Patrie !

Quelque soit ton chemin

Echange la Patrie

contre tout ce que tu trouves.

Échange la Patrie

contre la Filistrie

- le Pays de tes Pairs.

Et alors tu verras

si c’est pas beaucoup mieux,

la Filistrie, la Filistrie.

 

Et le Père sur ton dos,

Tu te jettes dans les plaines

comme un poulain sauvage.

Tu prends le mors aux dents

et galopes au hasard

où t’emporte ton regard.

Le Vieux n’en revient pas,

il n’en croit pas ses yeux.

Toi, son fils si docile

qu’il tenait par la bride,

voilà que tu l’emportes,

Tu l’emportes,

tu l’emportes.

Tu t’Élances, tu Détales,

 

 

Tu fuis très loin d’Ici.

Et un Triste cheval

devient un fier Poulain.

Tu laisses loin derrière toi

la Patrie de ton Père.

Et alors tu verras

si c’est pas beaucoup mieux,

la Filistrie, la Filistrie.

 

 

 

Lire la suite

L'amour peintures

6 Juin 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Julie Eloy

Texte - Julie Eloy

Photos - Sylvie Paponnet

 

Ma balafre est sujette à beaucoup de questions...

 

Et l'amour vous tourne le dos, il court et vous ne le retrouvez même pas sur les quais... finalement qui l'a inventé ? Celui qui vous cloue la porte au nez ou celui qui vous chante la plus belle chanson ?

Une certaine pense qu'être détruite, c'est le plus beau supplice qu'on puisse subir. N'est-ce pas elle le joug ?

Qu'est-ce donc cette trajectoire, ces ronds, ces décibels, ce va et vient, ces hésitations, ce trou dans le triangle des Bermudes.

 

Points de rencontre

Points de rencontre

 

Incapable de mesurer, je ne sais plus avancer car je ne sais pas où tu es, où tu vas... comme s'il n'y avait plus de lianes entre nous. Tu es loin mais tu es près mais tu n'es pas là alors tu n'es ni loin ni proche... L'amour sans alphabet           peut-être un code barre sans barre ni cochon, il faudra bien s'y faire... On rêve même si tout est gris, on croit qu'on a le droit... On est mélancolique et le souvenir te drape comme la magie d'une vie passée. Un cœur blessé en rose. Je dessinerai le fond de ton âme comme un éclair... Entre nous on se console, les nuits paraissent moins longues et le sommeil ne vient pas...

 

 

 

Comme un éclair

Comme un éclair

 

Je cours plus vite si je suis dans tes traces... si je chante c'est pour toi, la couleur vive me rappelle qu'il est chic d'avoir un cœur ! Si tu m'aimes je le sais mais si tu ne m'aimes pas ?

Si l'amnésie vient des deux côtés et si      c'était trop loin ? L'univers s'aperçoit que les humains existent car l'amour survole nos pensées, nos pays.

 

 

Univers

Univers

 

Comment ce navire pourrait s'écrouler ? Le pirate s'escrime et voit tout ou rien, il n'a pas de demi-teintes... quand on nous force à oublier, on échoue, d'accord. Alors on plonge et on revient à tribord... sur le bateau qui-vive où les mariés ne nous voient plus. Ils s'enlacent et quand ils te regardent, tu vois l'avenir dans leurs yeux. On est sur cette toile de Matisse... 

 

 

 

 

 

 

la couleur vive me rappelle qu'il est chic d'avoir un cœur !

.

 

On peut dire que tu reviens de loin toi qui sombrait dans le malheur, dans cette soumission entourée de cœurs. Je deviens tourterelle si loin des quadrillages. On ne sait pas d'où tu viens ! Ma balafre est sujette à beaucoup de questions... la solution est opale. Pour l'instant un esprit racoleur nous donne l'impression d'une agitation. On ressemble à Peter Pan...

 

 

 

 

 

 

Opalescence

.

 

La roue du paon nous a surpris un matin... Il n'y a pas de vampires atroces, immondes comme nos amis... les vampires sont des monstres et s'ils sont si méchants, c'est qu'ils n'existent plus... alors le plus mignon lapin nous apprend son séjour au pays du détroit. Pour un tour, je me suis trompé de jours, de nuits intersidérales...

 

 

 

 

 

 

Interstellaire

Interstellaire

 

Le bonheur nous trompe mais le destin ne nous trompe pas et c'est le bonheur, le destin... autant le crier !

Dans ma chambre close on peut voir maintenant des allées émeraude qui donne sur un château hanté avec des ailes miroir          espérances... C'est un signe qu'il y a assez de lumière dans la tour car les ailes réfléchissent                   vers          le ciel attraction... Le grenier devient huile, aquarelle de lumière comme la lumière fond sur le toit. Le bois est doré... les rideaux s'ouvrent et se ferment comme un livre... une vie, en plus de toi, plume...

 

 

 

 

La lumière sur le toit

La lumière sur le toit

Lire la suite

Paresseux comme un Paresseux

2 Juin 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #L'humeur des jours, #De la mollesse

Photos - F. Manse
Photos - F. Manse
Photos - F. Manse
Photos - F. Manse
Photos - F. Manse
Photos - F. Manse
Photos - F. Manse
Photos - F. Manse

Photos - F. Manse

A Costa-Rica way of life - Le Paresseux mérite de plein-droit d'être l'animal-symbole, l'animal-totémique, à la fois "d'éloge de la mollesse" et de "Pense-bête associés".
Dans l'éclat des feuillages, il nous offre une chorégraphie au ralenti, où dans son geste, se laissent voir une lenteur et une précision prodigieuse.


Une fois la semaine, il met pied à terre pour faire ses besoins qu'il enfouie ensuite avec son embryon de queue. Et là, tout est dit sur le mode de vie du paresseux, du moins l'essentiel.
Enfin, quoiqu'on puisse dire de cet animal, il n'en reste pas moins, qu'à tout instant, il doit lutter contre la pesanteur du monde. Autrement dit, à chaque instant, suspendu à une branche, il doit affronter son propre poids, auquel s'ajoute pour la mère, de temps en temps, celui de sa progéniture.


 

Complément d'enquête : 

Lire la suite

Olympe lointain

1 Juin 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #L'humeur des jours

Olympe lointain - photo F. Manse

Olympe lointain - photo F. Manse

 

 

Ils sont bronzés, élancés, ils sont cools. Leurs gestes sont fluides. Il y a dans chacune de leurs attitudes comme une compostion esthétique.

Évidemment, ils sont jeunes, ils sont Américains ; ils semblent appartenir à une humanité en mutation qui serait enfin différente de ce qu'elle a été jusqu'à maintenant.

Et en les contemplant, on ressent presque aussitôt comme une envie de devenir leur ami. Mais voilà qu'on se demande : en serions-nous capables ? Serions-nous capables de rire comme eux ? D'avoir ce phrasé, percutant, sonore, rythmé ? De se tenir ainsi, si assuré de soi-même ?

Rien n'est moins sûr.

 

Une faille, néanmoins chez ces néo-humains, et pas des moindres, qui risque, à mes yeux, de les précipiter à tout instant très bas et loin de cet Olympe qu'ils paraissent habiter pourtant si souverainement.

Juste cette façon qu'ils ont de tenir leur bouteille de bière par le goulot, entre le pouce et l'index, en la faisant se balancer.

Si quelqu'un pouvait leur dire.

 

 

 

 

 

Contrechamp -  photo F. Manse

Contrechamp - photo F. Manse

 

Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (1945)

(…) l'objectivation de chacun par le regard de l'autre n'est ressentie comme pénible que parce qu'elle prend la place d'une communication possible. Le regard d'un chien sur moi ne me gêne guère. Le refus de communiquer est encore un mode de communication. La liberté protéiforme, la nature pensante, le fond inaliénable, l'existence non qualifiée, qui en moi et en autrui marque les limites de toute sympathie, suspend bien la communication, mais ne l'anéantit pas. Si j'ai affaire à un inconnu qui n'a pas encore dit un seul mot, je peux croire qu'il vit dans un autre monde où mes actions et mes pensées ne sont pas dignes de figurer. Mais qu'il dise un mot, ou seulement qu'il ait un geste d'impatience, et déjà il cesse de me transcender : c'est donc là sa voix, ce sont là ses pensées, voilà donc le domaine que je croyais inaccessible. Chaque existence ne transcende définitivement les autres que quand elle reste oisive et assise sur sa différence naturelle. Même la méditation universelle qui retranche le philosophe de sa nation, de ses amitiés, de ses partis pris, de son être empirique, en un mot du monde, et qui semble le laisser absolument seul, est en réalité acte, parole, et par conséquent dialogue.
 
Des commentaires.
 
Lucien Frizzi Cool, man !! Cool ... L' enfer du décor te guette..!
 
Paul Maurice.  Envers / enfer. Je viens de comprendre.
 
Sandrine Cune peinture de moeurs sans complaisance, évidement des apparences trompeuses rutilantes, toute la vacuité d'une jeunesses oisive ; mais qui s'en soucie...
 
 
Paul Maurice Vous êtes dure, je trouve, avec cette belle jeunesse. Je n'ai pas l'impression que mon texte le soit autant.
 
 
Sandrine CJ'ai beaucoup apprécié vraiment le texte, on s'y croirait. Mais je ne souligne que ma déception de voir un tel potentiel  gâché, ce temps perdu à vivoter... franchement, c'est dommage !
 
Paul Maurice. Mais le poète a déjà dit des choses définitives à ce sujet : "OIsive jeunesse a tout asservie. Par délicatesse, j'ai perdu ma vie. "
 
Lire la suite

L'impasse libérale

4 Avril 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Laïcité religion

collage Régine Gaud

collage Régine Gaud

Il est beaucoup question, ces temps-ci, de stigmatisation. Or, pour ne pas stigmatiser autrui, il ne faut pas hésiter à s'autocensurer. L'autocensure est la vertu cardinale, le pilier autour duquel tourne toute la théorie libérale. Comme on ne peut pas imposer à autrui, pour que le système fonctionne, il faut mieux s'imposer à soi-même.

Alors que nous dit cette théorie libérale :

 

« L’expression culturelle individuelle est un droit fondamental. A ce titre, si on prend l'exemple de l’excision, celle-ci est un droit fondamental de l’expression culturelle. Seulement, comme en vertu du droit fondamental, je ne peux pas imposer à autrui, je me pose la question de ce que je mets dans le panier de l’autocensure, et dans ce cas, je m’aperçois que j’ai un devoir d’autocensure. »

         ‪Et en l’espèce, l’excision relève du droit à l’enfance, dérogatoire au droit fondamental, parce qu'on ne peut pas porter atteinte de façon irréversible à l'intégrité physique de son enfant. On ne peut pas lui imposer cela.

‪         Mais alors que se passe-t-il pour le père ou la mère qui ne veut pas s’autocensurer. S’il conteste cette dérogation, et qu’il dit : en vertu du droit fondamental, autrui ne peut pas m’imposer. On lui répond : oui mais par dérogation, tu ne peux pas imposer à autrui, en l’occurrence, à ton enfant. Alors, il répond, oui mais par le droit fondamental, on ne peut pas m'imposer, etc. Il semble qu’on tourne en rond. Non. Tout simplement, parce que droit fondamental et dérogation ont le même contenu, la même valeur. N’y a-t-il pas une impossibilité logique à hiérarchiser l’un par rapport à l’autre ou en d’autres termes, quelle est la légitimité de la dérogation puisqu’elle ne dit pas autre chose que le droit fondamental ? Comment l’un peut-il s’imposer à l’autre, justement ?‬

           ‪Comment sortir de cette impasse ?

 

Ce ne sont pas les récents développements de cette problématique aux États-Unis, plus précisément dans l'Arkensas, qui nous en sortirons.

En effet, dans cet État, une loi votée sur « la restauration de la liberté religieuse » affirme dans son principe qu'on ne peut pas obliger quelqu'un à poser des actes qui vont à l'encontre de ses convictions religieuses. Autrement dit, on ne peut pas lui en imposer contre sa religion.

Un médecin protestant ou catholique opposé à l'avortement peut faire valoir ses convictions religieuses pour ne pas intervenir.

De même, un traiteur, en raison de ses convictions religieuses, peut refuser de travailler pour le mariage de deux hommes, etc, etc.

En fait, ce droit fondamental de la conscience religieuse offre un véritable permis de discriminer, qui n'est pas fondamentalement nouveau aux États-Unis. Est-ce que ce n'est pas au nom de ce droit fondamental qu'un régime racial d'apartheid a pu exister pendant des décennies dans ce pays, pour la simple raison qu'on ne pouvait pas imposer à l'homme blanc de ne pas croire à l'infériorité des noirs.

C'est cette laïcté, qui s'est volontairement coupée les ailes, à la neutralité impuissante, dont certains rêvent pour ici !

 

On peut lui préférer une laïcité régulatrice, qui fait des choix politiques, (ces détracteurs disent : idéologiques) entre ce qui est de premier ou de second plan, ce qui est interdit et licite.

Il y a donc en présence une laïcité qui ne voudrait que s'autoriser à autoriser, sans se donner les moyens de penser les contradictions générées, et une autre qui ne s'interdit pas d'interdire.

 

Christophe Eloy

 

 

Lire la suite

Le choix des mots

27 Mars 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Laïcité religion

Un cil - photo Gérard Dubois

Un cil - photo Gérard Dubois

Stigmatiser, stigmatisation, stigmate.

Ces derniers temps le risque est grand de se voir reprocher cette « action » qui consiste à stigmatiser.
Alors qu'est-ce qu'on fait quand on stigmatise une personne ?

Rien de moins qu'imprimer sur son corps, par exemple au fer rouge, une marque indélébile à titre de châtiment. C'est à dire une violence qui s'inscrit dans la chair même de cette personne. D'autre part, les stigmates renvoient directement à ceux que reçoit le corps du Christ lors de la Passion. Là les stigmates infligés sont de l'ordre du sacrilège.

Mais de quelle violence parle-t-on désormais quand il est question de stigmatisation ? Malgré l'usage métaphorique extensif qui en est fait, cela ne peut concerner que des violences verbales. Lorsqu'il s'agit de violences physiques, il serait tout de même déplacé de parler de stigmatisation. Il est alors bien question d'agressions physiques dont les auteurs doivent être poursuivis en justice.

Maintenant, c'est vrai, il y a une forme de stigmatisation verbale, une parole en acte qui est l'équivalent d'une violence physique. La loi parle alors d'incitation à la haine ou à la discrimination. C'est moins métaphorique que ce mot de stigmatisation, mais plus précis quant à la désignation du délit.

Seulement, voilà, ceux qui dénoncent la stigmatisation ne s'arrêtent pas là. Cela finit par concerner toute critique plus ou moins virulente à l'encontre d'une opinion ou d'une croyance.

Par le choix de ces mots « stigmatiser » ou stigmatisation » s'opère un tour de passe-passe sémantique et rhétorique qui transforme une violence verbale, comme l'est toute critique, en une forme d'agression physique, qui relève presque, comme on l'a dit plus haut, du sacrilège.

 

Il n'est tout de même pas inutile de rappeler que si une opinion ou une croyance est protégée, sanctuarisée, de cette manière, c'est en fait la démocratie, dont la raison d'exister est justement d'organiser la concurrence et la confrontation des opinions, qui est remise en cause. Ça tombe mal. On est droit d'espérer que cette remise en cause soit de l'ordre de l'inconscient ou... de l'inconscience.

Lire la suite

La dialectique transcendantale – Kant

21 Mars 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #L'instant qui vient

L'infini - photo Gérard Dubois

L'infini - photo Gérard Dubois

 

- La Raison fait rechercher l’infini dans le fini. C’est le désir de l’absolu, de l’inconditionné, c'est le désir de liberté. Mais à l'intérieur de la Raison, c'est aussi un champ de bataille. Du coup les choses n'apparaisent pas de façon claire et distincte. Voilà la dialectique transendantale, à la manière de Kant.

 

Alors, par peur de la confusion, on ne parle jamais des choses, on en parle mal, à la va-vite. Jamais comme il faudrait – ou trop rarement. Maria Koleva disait : « Les gens n'ont jamais les conversations qu'il faudrait, qui les apaiseraient, qui leur feraient du bien ».Et le temps se perd, et l'on aimerait encore et toujours trouver l’infini dans le fini des conversations.

Mais c’est quoi, parler des choses comme il faudrait ?

 

Je pense aussi à Deleuze, il disait : « Moi pour les connaissances, je n’ai rien en stock ». C’était une critique de l’érudition. Pour lui, il s’agissait bien moins d’accumuler des connaissances que de s’exposer à l’inconnu. Tout ce qu’il devait savoir était à mobiliser pour le moment présent. A mon avis, c’est par là qu’il faut chercher si l’on veut parler des choses comme il faut. Parmi tous les possibles de cette énonciation ouverte à tous les vents, ce qui compte c’est faire advenir par le discours, l’infini dans le fini du moment présent.

On ne dit pas les choses nécessaires. Presque jamais. Le plus souvent des paroles embrouillées qui passent. Alors mes contemporains m’interpellent :

- Mais rien ne t‘empêche, bonhomme, de faire vibrer le transcendantal en nous. Dis-nous ces choses qui comptent. Tiens ce soir, on est bien luné. On est tout disposé à t’entendre. Parle-nous de l’art, de la condition des hommes, de ce que tu veux.

- Oh oui, bien sûr, mais ce soir, ça tombe mal, je suis fatigué. Je préfère aller me coucher.

 

 

 

 

 

 

L'infini dans le fini - photo Gérard Dubois

L'infini dans le fini - photo Gérard Dubois

Lire la suite

Les femmes et les individus

15 Mars 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #L'individu et la société

L'individu-reine  - photo Gérard Dubois

L'individu-reine - photo Gérard Dubois

 

Eric Zemmour dénonce : « la dictature du bonheur née de la féminisation de la société. Entre l'individu-roi et l'univers, plus rien n'existe désormais », dit-il.
Ce qui pour lui est tout à fait négatif sera pour ceux qui sont du côté de l'« éloge de la mollesse », et, exactement dans les mêmes termes, complètement positif.

 

On pourrait lui rétorquer que la féminisation de la société est déjà à l'oeuvre et depuis longtemps (pour son plus grand bien). Par exemple, en choisissant des exemples littéraires comme la Nouvelle Héloïse (1761), dont on disait à l'époque qu'il est un livre efféminé qui respire l’amour et la mollesse, et même l’amour de la mollesse. D'ailleurs, La Nouvelle Héloïse a sans doute été l’ouvrage qui a réalisé les meilleures ventes au XVIIIème siècle, avec au moins 70 éditions avent 1800. La demande était telle que, ne pouvant imprimer suffisamment d'exemplaires du roman de Jean-Jacques Rousseau, les éditeurs se mirent à le louer à la journée et même à l'heure. C'est dire si l'aspiration à la féminisation de la société, dès le milieu du XVIIIème se met en place. Elle est donc déjà  extraordinairement puissante et va se révéler dans les deux siècles suivants comme une force irrésistible avec laquelle il faudra compter.
Si l'autre moitié de l'humanité n'a pas droit de cité, on comprend facilement à quel point la société y perd en affects, idées, intelligence et puissance. En fait elle perd sur tout les tableaux.
Et l'on voit désormais, les impasses des sociétés qui prétendent résister à cette force, lorsqu'elles retranchent cette part de l'humanité.

 

Dans ces quelques mots de Zemmour, on entend aussi une critique de la notion d'individu. Celle-ci est interrogée, mais au prix d'une confusion. À vrai dire, l'histoire nous en offre d'ores et déjà deux modèles bien différents.
D'abord, l'individu classique, dans la maîtrise et la conscience de lui-même, une sorte de monade fermement adossé à son droit de propriété. C'est en fait l'individu libéral, bourgeois, « l'honnête homme », lui-même héritier d'un modèle aristocratique. C'est à ce modèle de l'individu que la modernité a opposé les masses. L'individu-roi est évidemment celui-ci. Il règne en son domaine comme le roi règne en son royaume. Mais Zemmour déplace cette dénomination vers le second modèle, au prix d'une confusion sémantique. Les réactionnaires agissent souvent ainsi.

 

Depuis au moins Freud, l'individu sait qu'il est plusieurs dans sa tête. Qu'à lui tout seul, il fait un groupe.
La littérature nous donne aussi à voir cet individu. Je pense, par exemple à « l'homme sans qualités » de Musil qu'il oppose à l'homme de qualité classique. Pour ce dernier, la conscience de lui-même passe par la maîtrise de ce qu'il est au détriment de tout ce qu'il n'est pas. Il est un individu exclusif de l'autre.
L'homme sans qualités, parce qu'il n'en a aucune en particulier, il les possède toutes (je cite de mémoire). Il tente la conscience de ses déterminismes, familiaux, sociaux, culturels, civilisationnels, non pas forcément pour s'en libérer, mais au moins pour entretenir un jeu, une distance, un dialogue qu'il pourra poursuivre toute une vie avec eux.

Sous son action, la forme ancienne, unanimiste, des groupes, des masses, se désagrègent à son profit.

Il se sait aussi bien relié à ses pères et ses aïeux, même si c'est pour en reconsidérer l'héritage, qu'à un présent dans lequel il se connaît autant étranger à lui-même que présent aux autres et à un futur dans la mesure où il sait tout autant qu'il lui est imprévisible mais qu'il n'y a que lui pour le façonner.

 

Pour résumer, l'individualisation vise à la production d'un individu autonome, et l'individuation, à celle d'un individu pris dans un milieu associé, un contexte général dans lequel il est inclu. Avec lui, les deux oppositions fondamentales qui structurent à la fois la société et la pensée trouvent un début de résolution, (on dira aussi une possibilité de déplacement), à savoir la frontière entre ipséité et altérité devient plus poreuse et celle entre individu et groupe perd de sa virulence.


En fait, l'individu du je-suis-comme-les autres est sorti de la tête de l'individu-roi. Il en est la contradiction et le prolongement. 
Que Zemmour se le tienne pour dit.

 

Christophe Eloy

 

l'individu je-suis-comme-les autres - photo  Gérard Dubois

l'individu je-suis-comme-les autres - photo Gérard Dubois

Lire la suite

Pour en finir avec le vide spirituel

12 Février 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #L'individu et la société

Le vide - photo Sylvie Paponnet

Le vide - photo Sylvie Paponnet


Le vide spirituel ! Jusqu'à quand faudra-t-il endurer d'entendre ce lieu commun usé jusqu'à la corde du vide spirituel des sociétés sorties du religieux, qui péchent par leur matérialisme et leur consumérisme.
Cette expression quasi-lexicalisée, infiniment ressassée, est censée s'imposer avec une telle évidence, (c'est la force des lieux communs qu'ils ne doivent plus prêter à discussion), qu'à chaque fois que je l'entends ou la lis, invariablement, mes épaules s'affaissent, un obscur et vague sentiment de culpabilité m'envahit, et un vide qui, l'instant d'avant n'y était pas, inévitablement, s'installe dans ma pensée.

Cette expression mériterait de faire son entrée dans le dictionnaire des idées reçues de Flaubert, (pourquoi pas sous cette forme) : 
"Vide – Il est avant tout autre considération, spirituel. Le déplorer fortement."
Pourtant, si je me tourne vers mon esprit, et que j'en prenne une photographie à un instant T, et même aussi loin que je remonte dans le temps, j'y trouve saisi une pleine effervescence (qui l'occupe en totalité). Parfois, je le confesse, quelque chose d'un peu chaotique se dessine, mais alors c'est toujours avec un grand plaisir que je tente de redonner une forme plus organisée à mon esprit.
Si bien que j'en arrive à subodorer que le vide spirituel que beaucoup dénoncent est d'abord et avant tout le reflet de leur propre vie intérieure.

Par contre, je suppute, par un raisonnement qui va du particulier au général, qu'il en va de moi, comme de mes contemporains, et que c'est en premier lieu, l'effervescence de leurs pensées qui est la règle.
Et même, sans m'autoriser à pénétrer dans le cerveau de ces mêmes contemporains, j'observe, de l'extérieur donc, qu'il y a, chez un grand nombre, un immense plaisir à vivre, presque intarissable, et qui est la réfutation la plus élémentaire à ce trop-souvent-invoqué vide spirituel.


Christophe Eloy.

 

Dilthey, dans son Introduction à l'étude des sciences humaines (1883) est sur la même longueur d'onde, ça fait plaisir. L'intra-humain est connaissable par moi du seul fait que je sois moi.

Les difficultés que pose la connaissance d'une simple entité psychique se trouvent multipliées par la variété infinie, les caractères singuliers de ces entités, telles qu'elles agissent en commun dans la société, de même que par la complexité des conditions naturelles auxquelles leur action est liée, par l'addition des réactions qui s'amassent au cours de nombreuses générations (...)

Pourtant ces difficultés se trouvent plus que compensées par une constatation de fait : moi qui, pour ainsi dire, vis du dedans ma propre vie, moi qui me connais, moi qui suis un élément de l'organisme social, je sais que les autres éléments de cet organisme sont du même type que moi et que, par conséquent, je puis me représenter leur vie interne. Je suis à même de comprendre la vie de la société.

Le plein - photo Sylvie Paponnet

Le plein - photo Sylvie Paponnet

Lire la suite

Ici, ailleurs

5 Février 2015 , Rédigé par éloge de la mollesse Publié dans #Gérard Dubois

Ici, ailleurs

.

 

Pour une exposition de Gérard Dubois, "Ici,ailleurs" à la Maison de la Photographie à Toulon, place du Globe, du 7 février au 28 mars 2015.

 

 

Où que vous soyez, en quelques points de la planète, souriez, vous êtes susceptibles d’être photographiés.
Gérard Dubois va faire de vous une célébrité anonyme, et sans doute, ne le saurez-vous jamais.
Si vous souhaitez entrer dans le cadre de son appareil, ne vous enfoncez pas dans un coin de nature, vous aurez peu de chance de croiser son objectif. Arpentez plutôt nos cités, choisissez comme décor, les rues, les trottoirs, les murs, les commerces, les places. Utilisez tous les objets possibles qui façonnent notre univers urbain.
N’hésitez pas à vous mettre en scène dans une situation humoristique, cocasse, grotesque, ou encore, soyez-vous même, tout simplement, et le hasard s’occupera du reste.
De toutes les façons, l’échange entre vous et son appareil est là, en puissance, quoi qu’il arrive.
Et si cette virtualité devient une réalité, (vous venez d’être photographié par Gérard Dubois), alors vous appartenez désormais à un monde saturé de présence humaine où chacun est entré pour offrir sa singularité.
Même la nature, dans les rares cas où elle occupe le cadre, témoigne de cette présence. Un fauteuil, une route, l’ombre d’une silhouette.

 

En fait, Gérard s’accroche à l’autre. Et vous êtes cet autre, fuyant plus que passant, qui peut lui échapper en une fraction de seconde. Si c’est le cas, il ne vous en voudra pas forcément, mais soyez sûr qu’il le regrettera.
 

Quels sont les lieux de cette quête. Toulon, que son œil parcourt dans tous les sens, mais toute ville est a priori éligible. Nice, Marseille, Cannes, Arles, Paris, Buenos Aires, Montevideo, et tant d’autres.
Et dans toutes ces villes, il s’agit de capturer un instant présent parmi l’infini des instants présents qu’elles offrent. Mais ce n’est pas uniquement s’accaparer une part de la beauté qui réside en lui, c’est aussi et surtout lui donner une forme signifiante qui justement le constituera pleinement en instant présent.


Christophe Eloy

Lire la suite
<< < 10 20 21 22 23 24 25 26 27 28 > >>